Pomme de terre OGM Amflora : la question de la résistance à l'antibiotique

pile of potatoes

Depuis mardi, l'autorisation par la Commission européenne d'une pomme de terre génétiquement modifiée agite les militants anti-OGM, les médias et le web. L'un des problèmes soulevés par cet OGM est la présence d'un gène de résistance à un antibiotique : la kanamycine.

Rappelons deux éléments pour une bonne compréhension de cette polémique.

1. La présence d'un gène de résistance à un antibiotique dans un OGM est un vestige de sa conception : il sert à repérer et isoler dans la préparation les plants porteurs de la manipulation génétique de ceux, majoritaires, pour lesquels la transformation n'a pas pris.

2. La présence de gènes de résistance aux antibiotiques dans les OGM est décriée car elle s'inscrit dans un usage généralisé des antibiotiques (comme dans l'alimentation animale) qui contribue au développement de germes pathogènes résistants à ces antibiotiques*. C'est particulièrement inquiétant quand il s'agit d'antibiotiques utilisés en médecine.

Ce problème était soulevé dès la conférence de citoyens sur les OGM qui s'est tenue en France en 1998. Dans la directive européenne 2001/18 effective depuis octobre 2002, il était prévu « d'éliminer progressivement des OGM les marqueurs de résistance aux antibiotiques qui sont susceptibles d'avoir des effets préjudiciables sur la santé humaine et l'environnement » et que cette élimination devait être effective au 31 décembre 2004 ou 2008 selon les cas.

Or le gène de résistance à la kanamycine, dénommé nptII, est « peu ou pas utilisé en médecine » selon Wikipedia, il fait partie des « gènes pouvant être utilisés sans restriction » selon www.ogm.gouv.fr. C'est également la position de l'Agence européenne de sécurité des aliments (AESA, ou EFSA en anglais) sur laquelle la Commission européenne s'est appuyée pour prendre la décision d'autoriser l'Amflora.

Toutefois, d'après l'association Inf'OGM, « les experts de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) considèrent qu’il s’agit d’un antibiotique important en médecine qu’il importe donc de préserver en limitant la possibilité de création de bactéries résistantes par la diffusion du gène nptII ».

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* Pour en savoir plus sur le mécanisme de transmission du gène de l'OGM aux bactéries, voir l'article OGM et résistance aux antibiotiques sur www.debats-science-societe.net.

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Ajout du 6 mars 2010 :

Continuons ensemble

Dans la discussion qui suit l'article, ci-dessous, vous trouverez des compléments d'information et plusieurs questions à débattre. N'hésitez pas à réagir vous-même si vous avez des éléments d'information à apporter ou des questions. Merci d'avance !

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Commentaires

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Kanamycine et santé humaine : à l'aide !

Dans l'article, je fais le constat de la divergence entre l'OMS et l'EFSA sur l'importance ou non de la kanamycine pour la santé humaine et la possibilité d'utiliser le gène de résistance à ce même antibiotique en transgénèse, mais aller plus au fond de cette question. Si vous avez des arguments ou des documents permettant d'en savoir plus, je suis preneur. Merci d'avance !

Re: Kanamycine et santé humaine : à l'aide !

Lire l'article ci après: http://www.ogm.ch/doc:kanamycine

Re: Kanamycine et santé humaine : à l'aide !

Merci pour ce lien qui répond bien à ma question ! Et merci à www.ogm.ch de publier ses contenus sous une licence CC qui permet de les réutiliser. Je me permets donc d'en reprendre de larges passages ci-dessous pour alimenter notre discussion.

Re: Amflora, résistance à la kana, etc

Bonjour,
Bon début de billet, mais on reste un peu sur notre faim;-)

Donc, la kanamycine, c'est utilisé ou pas en médecine (humaine/véto, France/europe/USA, etc) ? (aspet santé)

Et comment expliquer que cette patate avec gène de résistance soit autorisée en Europe alors que toutes les variétés récentes d'OGM se sont démerdées pour enlever, une fois sa fonction accomplie, ces fichus gènes de résistance ? (aspect bilogie moléculaire et...politique)

Et que penser du risque de dissémination de ce gène de résistance aux autres plantes et aux bactéries du sol ? (aspect écologique)

ps/ désolée j'arrive pas à me faire au manque d'ergonomie de ce site qui nécessite une inscription (comme j'ai commis une inscription un jour, je ne peux plus tranquillement commenter en étant "elifsu" : ce pseudo appartient à un utilisateur déjà inscrit, veuillez ceci et celà. Et au passage, on efface votre contribution. Un peu lourd ;-)

@elifsu : Des débuts de réponse

Bonjour Elifsu,

L'article est incomplet, je suis bien d'accord. J'ai misé sur la participation d'internautes pour aller plus loin. D'où mon appel à l'aide en premier commentaire. Et je suis content du premier lien qui nous a été proposé. J'espère que ça va continuer, même si ça devient pointu.

Concernant ton souci de connexion au site, j'ai repris ton message pour alimenter la FAQ technique du site (rien ne se perd :-) ). Tu y trouveras ma réponse.

Re: @elifsu : Des débuts de réponse

coucou,
en fait, ça s'étoffe très bien, au fur et à mesure. P-ê que ton appel aurait dû être intégré au billet initial tellement il apparait pauvre sinon. Mais démarche intéressante...qui s'avère très fertile ! À plusieurs, on est en train de combler les trous de ce puzzle, et c'est très bien !

@elifsu : Bonne idée, merci !

Aussitôt dit, aussitôt fait : appel intégré à l'article.

(à débattre) Arguments favorables à l'utilisation du gène nptII

Voici les arguments avancés dans l'article http://www.ogm.ch/doc:kanamycine pour expliquer que l'utilisation du gène nptII dans une PGM est acceptable. Si vous voyez des objections à ces arguments, je suis toujours preneur :).

---- Extrait de l'article ---------

* Le risque environnemental majeur réside dans la possibilité d'un transfert horizontal du gène de résistance de la plante hôte à un organisme du sol. Selon une vision pessimiste ce transfert résulterait en une augmentation du risque d'apparition de bactéries pathogènes (pour l'homme et les animaux) résistantes aux antibiotiques de la classe des aminosides. Cette vision est contredite par l'observation et l'expérimentation.
** Dans les sols il existe déjà une population bactérienne porteuse du gène Npt, comme cela peut être démontré simplement par culture d'un frottis de sol sur un milieu contenant de la kanamycine. Si transfert horizontal du gène a lieu entre différentes espèces bactériennes dans le sol, il se produit tout le temps hors de la présence de PGM.
** Le gène NptII présent dans une plante transgénique, est placé sous le contrôle d'un gène eucaryotique; il faudrait donc une série d'évènements complexes pour que ce gène soit éventuellement à nouveau placé sous contrôle d'un gène procaryotique.
** Il n'existe pas dans les sols de pression de sélection qui pourrait favoriser une augmentation du taux de transfert.

* Les risques pour la santé humaine et animales sont du même ordre; la question qui se pose est de savoir si l'ingestion de matériel végétal contenant le gène NptII pourrait amener à l'apparition de bactéries pathogènes résistantes dans le tractus digestif.
** Les observations que nous avons présentées pour les bactéries du sol s'appliquent aussi aux bactéries du système digestif. La kanamycine n'étant jamais appliquée par voie orale (seulement par injection parentérale ou par voie cutanée) il n'y a pas de pression de sélection pouvant favoriser une augmentation des taux de transfert.

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La kanamycine est-elle utilisée en médecine humaine ?

Toujours selon http://www.ogm.ch/doc:kanamycine :
"La kanamycine est un antibiotique de la famille des aminosides (comme la streptomycine) qui n'est utilisé qu'en médecine vétérinaire."

L'article cite en référence un document dont l'origine n'est pas précisé mais qui est visiblement un support de cours (bien fait d'ailleurs) sur les aminosides, lequel dit :

"La néomycine, la kanamycine et la dihydrostreptomycine, en raison de leur trop grande toxicité, ont été écartées des présentations injectables en médecine humaine [108]. Ces molécules rentrent cependant dans des spécialités pharmaceutiques vétérinaires pour injection parentérale. Elles sont destinées aux carnivores domestiques et aux animaux de rente."

Toutefois, j'ai trouvé une information contraire sur le site "Ressources naturelles Canada". Je cite :

"La kanamycine est un agent anti-infectieux utilisé pour traiter les infections chez les humains et les animaux, lorsque la pénicilline ou d’autres médicaments moins toxiques ne peuvent être utilisés. Ses effets secondaires incluent une déficience auditive et la perte d’équilibre, des lésions rénales et des réactions d’hypersensibilité. La résistance à la kanamycine est lente à se développer. La kanamycine est étroitement apparentée à d’autres antibiotiques utilisés pour traiter des maladies chez les humains. Les gènes conférant une résistance à la kanamycine avaient au départ été approuvés comme marqueurs de sélection en génie génétique du fait que cet antibiotique n’était plus utilisé pour traiter des maladies. Cependant, selon une société qui distribue cet antibiotique au Canada, la kanamycine a toujours des applications pharmaceutiques en médecine humaine et en médecine vétérinaire."
Source : http://scf.rncan.gc.ca/soussite/biotechnologie/questionsci/4

L'article ne précise pas ses sources. Dommage.

Pourquoi arrivent encore aujourd'hui des OGM avec le gène nptII

"Il existe aujourd'hui bien d'autres méthodes de sélection, il est vrai plus complexes et sophistiquées (marqueurs fluorescents, marqueurs de sélection positive, TILLING, etc …), mais les PGM de première génération sélectionnés à la fin des années 90 et commercialisés aujourd'hui contiennent souvent un gène de résistance à la kanamycine. [...] Aujoud'hui, les plantes transgéniques nouvelles ne contiennent plus le gène NptII. Dans le cas de la pomme-de-terre "Amflora", il faut bien réaliser que cette variété a été créée et soumise à approbation il y a plus de dix ans. La complexité des procédures d'autorisation, les multiples oppositions, ont fait qu'elle ne sera commercialise que cette année.
Compte tenu du contexte médiatique et de l'agitation politique qui entoure la culture des PGM, on ne peut pas dire que la firme BASF soigne particulièrement son image publique en insistant pour commercialiser cette variétés; on ne peut pas cependant, sauf à être de mauvaise foi, prétendre que ces cultures vont mettre en danger l'environnement ou la santé publique."
Source : http://www.ogm.ch/doc:kanamycine

Re: Pomme de terre OGM Amflora : la question de la ...

Il vaudrait mieux manger des pommes de terre OGM que des pommes de terre bourrées d'engrais. Quant aux pesticides ce sont de puissants poisons. Nous faisons le bonheur des Laboratoires et notre santé se dégrade de plus en plus. José Bové et tous ses copains écolos sont accrocs des poisons agricoles ; évidemment ça pousse plus vite. il faut que le monde agricole change et s'adapte aux nouvelles techniques de culture, notre santé en dépend. La diabolisation des OGM nous fait un tort considérable

Re: Pomme de terre OGM Amflora : la question de la ...

Bonjour,

Pour apporter de l'eau au moulin : http://www.biofortified.org/2010/03/gmos-antibiotics/

Les faucheurs ne fauchent pas par plaisir

Le souci des antibiotiques marqueurs, c'est que les OGM issus de cette technologie ne devraient plus etre autorisés! La lenteur de procédure avant commercialisation devrait justement servir à prendre un peu de recul! Non? et bien non, et donc quand les faucheurs "rétablissent l'ordre", en neutralisant une vigne OGM technologiquement dépassée, ils sont pris pour cible par les institutions qui voient là une occasion de se porter en victime.
C'était un bel exemple de protocole strict, très contrôlé et sûre, qui pouvait effectivement jouer un rôle dans la recherche, celui de justifier les essais en plein champ, et de redonner un peu d'élan : à l'image de la recherche française à la traine à cause de ces amoureux des temps anciens, barbares ; et à ce site de l'INRA de Colmar qui fonctionne au ralenti.
Mais quand on dit que les faucheurs aiment les pesticides, c'est un mensonge (la plupart des agriculteurs qui en font partie sont bio ou biodynamie), il fallait arrêter cet essai car Masson le Directeur du site qui dit qu'il n'y a pas de volonté de commercialisation derrière joue sur les mots puisque c'est forcément un produit commercial qui en sortira (sinon à quoi bon??!!). De plus, dites-moi en quoi peut-etre significatif de non toxicité un essai de végétaux auxquels on coupe toutes les fleurs? Ca c'est de l'expérience!
Pour ma part, c'était de la poudre aux yeux, que le gouvernement est bien content de voir partir en fumée pour justifier de nouvelles mesures de lutte contre les nouveaux guerilleros des champs, et faire ce qu'il veut avec les nouvelles volontés de l'Europe de mise sur le marché d'OGM.
Rappelons que sans les faucheurs, tout le monde en France (en Europe?) mangerait aujourd'hui des OGM et que le bio serait réduit à peau de chagrin...