Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de gamètes

La tribune ci-dessous nous a été proposée de façon anonyme. Elle nous a paru extrêmement intéressante à plus d'un titre : elle concerne un problème biologique en progression dans la population qui devient un problème de société, une réponse politique sujette à débat qui est à l'ordre du jour parlementaire, elle apporte un peu de pédagogie sur la notion de gène et contre une vision déterministe du gène encore trop répandue... Nous la publions en espérant vos réponses nombreuses. NB : l'auteur de la tribune participe à la discussion sous le pseudonyme Albertine Proust.


Mon mari et moi avons fait, il y a quelques années, un don de gamètes. La garantie de notre anonymat a été l'élément décisif de ce geste altruiste. Or, Mme Bachelot vient d'annoncer, en contradiction avec la proposition du rapport Leonetti, la levée de l'anonymat des donneurs. Cette mesure serait même rétroactive. Nous sommes bouleversés par cette trahison.

Les annonces de Mme Bachelot doivent certainement beaucoup à l'importante agitation médiatique de quelques personnes. Face à cette agitation, nous voulons faire entendre une petite voix : celle d'un couple donneur qui n'aspire qu'à la discrétion et à l'anonymat. Lors de son audition dans le cadre de la mission d’information sur la révision des lois bioéthiques, M. Jean-Marie Kunstmann a parfaitement présenté notre point de vue de donneur.

Qui sommes nous

Dans le cas où le donneur appartient à un couple constitué, le don de gamètes est un don de couple à couple. C'est donc une démarche de couple que je vais vous présenter : un couple vient en aide à un autre couple pour l'aider à obtenir une descendance.
"Albertine Proust" est un pseudonyme. Je suis chercheuse en biologie, et nourris donc peu de fantasmes sur ce qu'on appelle le "patrimoine génétique".

Mon mari et moi avons eu plusieurs enfants, tous très désirés. Nous n'avons jamais rencontré la moindre difficulté pour procréer. Les couples de notre entourage sont loin d'avoir eu la même chance : moins de la moitié d'entre eux ont réussi à avoir des enfants sans assistance médicale. Nous avons été les témoins de nombreuses démarches et de remises en causes profondes. Il a fallu une longue réflexion à des amis catholiques pratiquants avant de recourir à la fécondation in vitro. Un couple ami a fait appel à un donneur de sperme, un autre a eu recours à l’adoption internationale, un troisième à l’adoption d’enfant abandonné « sous X ». Un autre couple, enfin, n’a pas pu se résoudre à une démarche d’adoption. J'ai vu des collègues fondre en larmes au travail parce qu'elles avaient leurs règles. J'ai vu des amies annuler leur réservation de crèche parce que finalement il n'y aurait pas de bébé. Au final, beaucoup de nos amis ont eu des enfants. Comme me disait une grand-mère : "J'ai beaucoup de petits-enfants, ils sont tous venus de façon différente, mais ils sont tous là". Certains de nos amis ont dû définitivement abandonner l'espoir d'être un jour père ou mère.

Les circonstances de notre don

Nous étions déjà des donneurs réguliers de sang, mais nous ne nous étions encore jamais posé la question du don de gamètes. C'est la conjonction de trois facteurs qui nous a poussés à faire cette démarche de don :
1/ la joie éprouvée lors de la naissance de notre dernier enfant,
2/ les démarches de nos amis souhaitant procréer et leur cheminement affectif,
3/ une campagne d'information sur le don de gamètes.

Les modalités du don et du contrat passé entre les donneurs, les receveurs, et le Cecos (Centre d'Etudes et de Conservation des Oeufs et du Sperme humain) nous ont permis de bien préciser le cadre de ce don et la portée de ce geste. Elles sont présentées ici (site du CHU de Toulouse). Nous ne devions plus jamais entendre parler de ce don, ni même savoir si oui ou non les quelques cellules que nous avions fournies avaient permis aux receveurs d'assurer leur descendance.

Ce que nous avons donné

Il faut faire ici une parenthèse pour comprendre la nature exacte de notre don, à savoir une cellule contenant la moitié d'un génome humain.

En tant que biologiste, je juge la mode actuelle du "tout génétique" exagérée, ridicule et dangereuse. Il n'y a pas de gène de l'intelligence, du goût de la musique classique ou de la paresse. Les concepts de génétique sont trop souvent utilisés de façon inappropriée et abusive pour justifier des discours immondes : eugénisme, nationalisme, élitisme. L'ADN n'est pas le programme dans lequel est codée notre existence ou notre identité. L'idée fait rêver, mais elle est fausse.

Dans mon quotidien de chercheuse, un gène, c'est par exemple une portion de molécule qui rend fluorescentes mes bactéries pour que je puisse les observer au microscope. Ce sont aussi des gènes qui permettent à mes bactéries de survivre dans des milieux hostiles. Mais déjà là, ce n'est pas si simple : ces bactéries, génétiquement identiques, soigneusement cultivées sur la même boîte de Pétri, ne réagissent pas toutes de façon identique. Si une bactérie n'ayant jamais connu autre chose qu'une boîte de Pétri se permet d'interpréter avec fantaisie son patrimoine génétique, je vous laisse imaginer ce qu'il en est des êtres humains…

Pour moi, le patrimoine génétique c'est aussi un fantasme qui fait que du jour au lendemain vous n'êtes plus aimé alors que vous êtes toujours exactement la même personne. Je pense en particulier au désarroi de ces jumeaux séparés à l'âge de trois ans et, pour l'un deux, abandonné, au prétexte que cet enfant, contrairement à son frère, n'était pas le fils génétique de son père (histoire racontée ici).

Je pense aussi à la réaction de ma mère alors que nous venions de voir "La vie est un long fleuve tranquille". Pendant un instant, elle s'est demandé ce qu'elle aurait fait si on lui avait annoncé que je n'étais "pas sa fille". Ouf, elle m'aurait, "quand même gardée". A-t-elle vraiment envisagé un autre choix ? Moi, je savais déjà que je gardais ces parents-là, quand bien même il y aurait eu échange de mères à la maternité.

Il faut comprendre qu'un génome, c'est un peu une boîte à outil sans laquelle la vie n'est pas possible. Ces boîtes à outils ne sont pas si différentes que cela les unes des autres, pourvu qu’elles aient le bon nombre d'outils et qu'ils ne soient pas trop défectueux. Le plus important, c'est le mode d'emploi pour les utiliser au mieux. Cela, ce sont nos parents, nos proches, et nos expériences qui nous le révèlent.

Le couple receveur n'avait pas la possibilité de composer seul la boîte à outils de son enfant. Nous leur avons donné une moitié de boîte qui ne nous servait pas et pour laquelle nous n'avions pas d'autre projet que la destruction. À charge pour les receveurs de faire le reste : assembler le tout, être enceinte, avoir des vergetures et une épisiotomie, et, surtout, passer de longues années à donner le mode d'emploi à leur enfant.

Ce que nous n'avons pas donné

Nous n'avons pas donné de bébé. Nous n'avons pas donné d'embryon. Pas même une cellule diploïde (porteuse d’un génome humain complet).

Notre geste de don n'est pas l'origine de cet enfant. Son origine est dans la rencontre de ses parents, leur décision de concrétiser leur amour en ayant une descendance commune, et leur odyssée jusqu'à la naissance de leur enfant.

Notre histoire n'est pas l'histoire de cet enfant, car nos gènes ne la transmettent pas. C'est vrai, le séquençage de l'ADN peut révéler de lointaines origines géographiques, mais le souvenir même de ces voyages s'est depuis longtemps perdu dans notre famille. Notre histoire familiale nous a été révélée par des récits et des silences, des chagrins que nous nous sommes transmis, des goûts et des dégoûts. Nos enfants sont imprégnés de notre histoire, de notre culture, de nos valeurs, grâce aux livres et aux photos qu'ils côtoient dans notre maison, grâce à l'ambiance sonore dans laquelle ils évoluent depuis qu'ils peuvent entendre, grâce à leurs grands-parents qui prennent le temps de leur révéler nos secrets. Grâce, aussi, à l'importance que nous accordons inconsciemment à telle ou telle matière scolaire ou telle ou telle expression artistique.

Responsabiliser le donneur

L'objet de la levée de l'anonymat serait de "responsabiliser le don". Notre don n'était pas un geste irresponsable.

Nous avons eu de longues discussions avec le médecin du Cecos. Nous avons passé très soigneusement en revue l'histoire médicale du donneur et de sa famille pour être certains que le don serait d'une qualité acceptable. Nous n'étions ni pires ni meilleurs que les autres donneurs, ou que les receveurs. Le receveur est censé en avoir conscience et accepter que les donneurs sont des gens normaux, avec leurs imperfections génétiques. Pour des donneurs soi-disant exceptionnels, il existe des banques spécialisées aux Etats-Unis.

Nous avons aussi évalué les conséquences potentielles de ce don pour nos enfants. Comme la loi française impose que tout donneur ait déjà un enfant, cette interrogation est inhérente à tout don de gamètes. Dans la mesure où le Cecos protégeait notre anonymat, le risque de conséquences négatives pour nos enfants nous semblait négligeable. Nous savons que tout don, que ce soit de sang ou de moelle osseuse, peut avoir des conséquences fâcheuses pour le donneur. Le choix de donner repose sur l'arbitrage entre le désagrément potentiel du don pour le donneur et le gain attendu par le receveur. C'est seulement en évaluant correctement ces deux aspects que le donneur peut faire un choix "libre et éclairé". Nous pensons maintenant que notre don n'était pas réellement éclairé : nous n'avons jamais imaginé qu'une loi puisse revenir sur les engagements pris envers nous ! L'État n'a pas de parole.

De quelle responsabilité parle-t-on ? On ne nous demande pas d'être responsable de nos frères ou sœurs, alors que nous partageons la moitié de notre génome avec eux (comme avec les enfants issus du don) et que les nombreuses interactions que nous avons eues avec eux ont construit leur identité et la notre. Comment pourrions-nous être responsables de personnes que nous n'avons jamais croisées, pas même à l'état de cellule foetale ? De personnes dont nous n'avons jamais rencontré les parents, pas même au cours d'une nuit de fête ou pendant un bref instant d'égarement ?

Responsabiliser le receveur

Maintenant que l'illusion du maintien institutionnel de l'anonymat du donneur se dissipe, il est du devoir du receveur de préserver la famille du donneur. Pour cela, les receveurs doivent vivre sainement la démarche de conception qu'ils ont eue. On dit que la possible levée de l'anonymat des donneurs a souvent pour conséquence que les receveurs cachent à leurs enfants qu'ils sont nés d'un don. Nous désapprouvons ce choix. L'enfant sentira qu'un non-dit entoure sa naissance et, à cause de ce non-dit, aura du mal à se développer harmonieusement. De plus, il est impossible de garder un tel secret. Il sera révélé au pire moment. Il est compréhensible qu'un enfant confronté à cette épreuve puisse imaginer que connaître le donneur l'apaiserait.

Nous désapprouvons aussi le choix de receveurs qui décident d'attendre que leur enfant soit "assez grand" pour lui révéler l'histoire de sa naissance. L'enfant risque surtout de comprendre qu'il a été élevé dans le mensonge, et que cette information lui a été cachée parce qu’elle est honteuse. L’histoire d’une naissance grâce à un don de gamète est une histoire belle et compréhensible par de très jeunes enfants, vous pouvez en trouver un exemple ici (document PDF). Ils ne remettront pas en cause l'amour qu'ils éprouvent pour leurs parents juste parce qu'une des "petites graines" dont ils sont issus à été offerte à leurs parents. Sauf s'ils sentent que leurs parents sont mal à l'aise avec ce don…

Chers receveurs, il y a encore un mois, nous ne nous serions pas permis de juger l'éducation que vous donnez à vos enfants. Malheureusement, cette éducation est devenue notre seul rempart contre la levée de notre anonymat. Nous attendons désormais de vous que vos enfants soient capables d'apprécier le cadeau d'exister, et qu'ils soient suffisamment heureux et reconnaissants pour respecter l'engagement moral que vous avez pris avec nous en acceptant notre don.

Si notre avis nous était demandé

Imaginons que quelqu'un prenne la peine de nous demander notre avis, et donnons-le :

Accepteriez-vous de révéler votre identité ? Non.

Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l'identité du donneur un combat. Pour nous, c'est la traduction d'un mal de vivre dont nous ne sommes pas responsables et qui aurait pu s'incarner dans d'autres obsessions. Nous regrettons que certaines personnes cultivent ce malaise pour servir leur opposition, plus ou moins avouée, à ces méthodes de reproduction.

Dans ce contexte, nous ne croyons pas que l'enfant du receveur se contentera d'une simple rencontre et nous redoutons qu'il puisse nous importuner ou importuner nos familles. Il faut rappeler ici que les seules victimes de notre don, si victimes il y a, sont nos enfants. Contrairement à l'enfant des receveurs, qui n'aurait pas vu le jour sans le don, nos enfants n'ont rien gagné. Eux aussi vivent avec l'infime risque de s'éprendre d'un demi-frère ou d'une demi-sœur génétique, risque d'autant plus important que les receveurs auront caché à leur enfant qu'il a bénéficié d'un don. Nous espérons que l'éducation que nous donnons à nos enfants leur permet de comprendre notre geste et de l'approuver. Nous espérons que l'amour qu'ils nous portent les aidera à nous pardonner la légèreté qui nous a fait croire en la parole de l'État.

Accepteriez-vous d'être contacté par le Cecos si un enfant de receveur demande la levée de l'anonymat ? Non.

Il était convenu que nous ne saurions pas si des enfants avaient ou non bénéficié de notre don. Prendre conscience de l'existence et du mal-être de cet enfant nous perturberait forcément, d'autant que notre seule interaction avec lui serait de lui opposer un refus. Je crains que face à cette injonction d'endosser soit le rôle du bourreau (le méchant donneur qui veut cacher son identité), soit le rôle de la victime (un inconnu se prend subitement pour le demi-frère de nos enfants) nous ne développions, nous aussi, une certaine rancœur.

Accepteriez-vous d'être contacté par le Cecos pour faire part de votre choix concernant une éventuelle levée de l'anonymat ? Oui.

Et la réponse sera : nous n'autorisons pas la levée de l'anonymat. Et nous n'entendrons plus parler de ce don, comme il avait été convenu quand nous y avons consenti.

Accepteriez-vous la transmission de données non identifiantes ? Non.

Ces informations ne regardent pas le receveur et ses enfants. Il nous semble malsain qu'un inconnu puisse fantasmer sur notre prénom, notre profession et/ou notre localisation géographique. Accorder à un enfant ayant bénéficié d'un don ces informations serait valider son obsession de rencontrer le donneur et l'encourager dans sa "quête". Nous pensons que l'entourage de cet enfant lui rendrait plus service en lui apprenant à accepter qu'il est impossible de toujours tout savoir, même sur soi-même. De plus, en 2010, à l'ère d'internet, nous ne voyons pas quelles informations peuvent réellement être qualifiées de "non-identifiantes".

Toute personne venant au monde doit accepter que sa naissance a un prix : la mort, les souffrances, les frustrations. En tant que parents, il ne nous viendrait pas à l'idée de maintenir nos enfants dans l'illusion qu'ils peuvent y échapper. C'est grâce à notre amour et à notre éducation que nos enfants apprennent à s'accommoder de l'inéluctabilité de leur mort. Un enfant né d'un don anonyme doit de même apprendre à s'accommoder de ne jamais connaître l'identité du donneur. Le maintenir dans l'illusion qu'une alternative est possible, pourvu qu'il y mette suffisamment d'énergie, c'est le laisser gâcher sa vie pour une chimère. Cet enfant est né d'un arbitrage entre l'inconfort d'un donneur et le bonheur de ses parents. Qu'il fasse le même arbitrage entre sa quête et l'effet destructeur qu'elle aura sur le don de gamète anonyme et gratuit.

Qu'allez-vous faire ?

La question est délicate. Maintenant que nous avons compris que notre anonymat pourrait à tout moment être remis en cause par le vote de lois rétroactives, la réaction la plus intelligente serait de demander la destruction de ce qu'il reste de nos dons, en espérant qu'aucun enfant ne soit déjà né grâce à ce don. Nous ne voulons pas nous y résoudre. C'est une chose de ne pas faire de don parce que les conditions ne sont pas acceptables, c'en est une autre de faire le don (une démarche longue et contraignante), puis de demander sa destruction.

Nous choisissons donc de croire que nos députés sont des Hommes d'honneur qui ne rompront pas le contrat qui a été passé entre l'État et nous. Tant qu'une nouvelle loi n'est pas votée, nous voulons croire que notre don suit les règles qui étaient en vigueur quand nous l'avons fait, et qu'il en sera toujours ainsi.

En revanche, si une loi remettant en cause l'anonymat total de notre don est votée, nous demanderons immédiatement au Cecos la destruction des gamètes restantes.

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Commentaires

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Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Mère : connue. Père : éprouvette

Voici 25 ans naissaient les premiers bébés-éprouvette. Ils sont aujourd'hui 800 par an. Certains sont toujours en quête d'identité.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Suis assez d'accord avec l'ensemble de l'argumentation sauf avec la position finale et avec ce passage : "Nous ne comprenons pas que des enfants de receveurs puissent faire de la découverte de l'identité du donneur un combat. Pour nous, c'est la traduction d'un mal de vivre dont nous ne sommes pas responsables et qui aurait pu s'incarner dans d'autres obsessions. Nous regrettons que certaines personnes cultivent ce malaise pour servir leur opposition, plus ou moins avouée, à ces méthodes de reproduction."

Je peux au contraire parfaitement comprendre que, même en dehors de tout "mal de vivre", un enfant de receveur puisse être très désireux de connaître le donneur. C'est parfaitement légitime à me sens et il me paraît même étrange que les donneurs parlent de ce besoin en terme plutôt méprisants ("obsessions").

L'anonymat sur le don de gamètes : une décision juste ?

Un grand merci à Albertine d'avoir attiré notre attention sur ce projet de levée de l'anonymat des donneurs. Le sentiment de trahison provoqué par la perspective d'une rétroactivité de la mesure est compréhensible. Et il est partagé, comme le montrent ces échanges sur un forum sur l'azoospermie.

Mais la demande des enfants issus de ces dons doit-elle pour autant être balayée d'un revers de la main ? Pas évident.

Alors quelle position défendre en vue du débat parlementaire à venir ? Nous attendons vos avis.

Personnellement, il y a un point particulier qui m'étonne. On projette de rendre accessibles des données géographiques, l'activité professionnelle... bref des informations qui permettront au demandeur de se faire une représentation mentale du donneur. Ne faut-il pas s'en tenir aux antécédents médicaux du donneur ? Je ne suis pas au fait de se qui se pratique aujourd'hui, mais il semble que les antécédents médicaux sont accessibles actuellement, mais seulement à la majorité. Normal ?

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Bonjour,
Je trouve votre lettre très intéressante, et je suis d'accord avec beaucoup de choses. Il y a évidemment ce mot "obssession" qui donne quand même une image assez méprisante de ces enfants en quette d'identité. Mais je suis d'accord que ce sont aux parents de cet enfant de faire en sorte (même si cela doit être très difficile) qu'il n'en ait pas besoin.

Par contre, je trouve votre phrase "Eux aussi vivent avec l'infime risque de s'éprendre d'un demi-frère ou d'une demi-sœur génétique, risque d'autant plus important que les receveurs auront caché à leur enfant qu'il a bénéficié d'un don. " assez choquante. Cela voudrait-il dire qu'un enfant issu du don, et le sachant, vivra dans la peur constante de s'éprendre d'un demi-frère/demi-soeur, et devrait alors se restreindre à choisir quelqu'un qui ne lui ressemble pas de peur d'être en couple avec un membre de sa famille génétique ?

Le don a toujours été anonyme et gratuit, et les gens qui y ont recours le savent.
Plutôt que de lever l'anonymat, ne faudrait-il pas mieux accompagner les couples qui ont recours à ces banques de gamètes ?

Encore une fois dans ce pays, on soulève un problème (le mal-être des enfants issus de la procréation assistée) et on propose une solution qui n'a pas de sens, juste pour montrer qu'on agit.

risque de consanguinité

Bonjour Chloé,

Effectivement, certains enfants issus de dons de spermes disent avoir très peur de s'éprendre d'un demi-frère ou d'une demi-sœur génétique. Depuis 1994 (année du vote des premières lois de bioéthique), le nombre maximal d'enfants issus d'un don était de 5. Plus tard (en 2004 ?), ce nombre est passé à 10. Je ne sais pas ce qu'il en était avant 1994, mais les Cecos existent depuis 1973, je suppose qu'ils avaient déjà des règles.

Le nombre de 10 enfants issus d'un don (+ les enfants du donneur) rend statistiquement négligeable les risques de consanguinité avec une personne rencontrée au hasard. "Statistiquement négligeable" ne veut bien sûr pas dire nul.

Concrètement, si cette hypothèse tracasse un enfant issu d'un don, ou un enfant issu de donneur, il peut :
- Éviter d'avoir un projet parental avec un enfant de donneur / lui-même issu d'un don. Évidemment, cela n'est possible que s'il n'y a pas eu de secret.
- S'il veut se mettre en couple avec un enfant de donneur / lui-même issu d'un don, il peut essayer d'éviter des enfants ayant un père (pour un don de sperme) du même groupe sanguin que son père, puisque le donneur et le receveur sont du même groupe.

Ça n'est pas très satisfaisant (mais n'oublions pas que le risque est extrêmement faible), mais c'est un peu plus concret que de chercher à éviter les gens qui vous ressemblent. On voit aussi ici le risque qu'il peut y avoir à chercher des donneurs en dehors des Cecos.

N.B. Le nombre maximal d'enfants issus d'un don a été augmenté en raison du manque de donneurs. Un peu comme le nombre de dons de sang annuels a été augmenté en 2009 pour pallier le manque de donneurs : on attend des quelques personnes qui donnent qu'elles donnent toujours plus. Et c'est une loi (qui peut-être modifiée rétroactivement) qui fixe le nombre maximum d'enfants issus d'un don.

Re: risque de consanguinité

Selon la plupart des études, il y a 3% d'enfants dont le père n'est pas l'ascendant génétique suite à adultère. Cet ascendant génétique n'étant pas connu par l'enfant, il me semble donc que le risque de consanguinité est plus important pour cette raison que pour le don, et qu'elle touche chacun de nous.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

C'est un sujet passionnel et on voit par moment des réactions un peu excessives. Je pense qu'il ne faut pas confondre le fait de vouloir connaître ses conditions de naissance et le fait d'attribuer à la biologie des effets déterministes sur l'identité. Il me semble donc peu intéressant pour un enfant du don de connaître la région d'origine ou la généalogie du donneur et à l'inverse d'ignorer ses motivations.

Je suis assez d'accord avec la tribune sur le plan que la souffrance de quelques enfants du don est utilisée par certains pour critiquer les naissances avec don de gamètes ou de gestation, voir pour en réclamer leur interdiction.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Je pense qu'il y a deux problématiques bien distinctes. La première, c'est : quel système de don voulons-nous promouvoir ? Soit on met l'accent sur le bénéfice collectif, et l'on vise la gratuité et l'anonymat afin de faciliter le don ; soit on veut un bénéfice individuel, et l'on s'oriente vers d'autres solutions où le couple receveur peut avoir accès à davantage d'informations, voire même choisir les gamètes selon leurs caractéristiques. Personnellement, je milite pour la première solution, mais cela ne me choque pas que la société en discute.

En revanche, il me semble essentiel qu'un couple qui a donné suivant la règle de l'anonymat absolu, ne voit pas cette règle modifiée en cours de route.

On peut tout a fait vouloir discuter des modalités du don, sans pour autant remettre en question le contrat passé entre un couple et la société il y a des années.

Re: Don de gamètes : quelle filiation ?

La fondation Terra Nova (un "think tank" proche du parti socialiste) s'est prononcée pour la levée de l'anonymat des donneurs. Je vous invite à consulter le rapport final de leur groupe de travail sur la bioéthique : http://www.tnova.fr/index.php/toutes-les-publications/3-essais/1160-amp-....
Il souligne un point essentiel, la filiation légale entre le receveur et son enfant.

    - Actuellement, la filiation pour les enfants nés par AMP avec donneur est une filiation charnelle : il n'y a pas de différence entre le certificat de naissance d'un enfant né par AMP avec donneur et un enfant né "normalement". Le donneur n'a pas d'existence légale, et les parents peuvent garder secret le mode de conception de leur enfant.

La fondation Terra Nova se prononce pour une filiation adoptive dans le cas d'AMP avec donneur. Cela légalise l'existence du donneur.

    - La filiation adoptive est indiquée sur le certificat de naissance de l'enfant. L'identité du donneur y est mentionnée. Les parents n'ont pas le droit de cacher à leur enfant qu'il est issu d'une AMP avec donneur. (De toute façon, l'enfant le saura dès qu'il verra son certificat de naissance).

Cette distinction de filiation, que j'ignorais et que j'espère avoir bien comprise (n'hésitez pas à vérifier, compléter) pose plusieurs questions :

    -1- Pour l'instant, les parents ne sont pas obligés de dire à leur enfant qu'il est né par AMP avec donneur, et l'enfant n'a pas de moyen légal de le découvrir. Si on veut permettre aux enfants de connaître l'identité du donneur, doit-on changer la loi pour obliger les parents à révéler leur méthode de conception ?

    -2- Le non-anonymat du donneur doit-il obligatoirement correspondre à une filiation adoptive ou pourrait-t-on donner une existence juridique au donneur dans le cadre d'une filiation charnelle ?

    -3- Les receveurs peuvent-ils être considérés comme des parents adoptifs alors que l'enfant est né de leur seul projet parental ? La filiation adoptive revient-elle à nier le projet parental des receveurs ?

D'un point de vue pratique, je ne vois pas comment accorder ces deux types de filiation avec

    a) la liberté des enfants de demander ou non à connaître le nom du donneur (un certificat de naissance avec volet facultatif ? Les enfants nés par AMP avec donneur seront-ils obligés de connaître l'identité du donneur ?)
    b) pour les dons futurs, la possibilité des receveurs de révéler ou non leur identité. La possibilité du double guichet semble bien compliquée (deux types de filiations possibles pour les enfants nés par AMP avec donneur, suivant que les receveurs auront choisi les gamètes anonymes ou non ? Passage d'une filiation à l'autre lorsque le donneur lève son anonymat ?).

Mme la ministre propose de responsabiliser le donneur en lui faisant porter la responsabilité de révéler ou non son identité.

    N'est-ce pas plutôt l'État qui se déresponsabilise en ne voulant plus juger quelle filiation unit un enfant à ses parents, et en faisant porter ce choix à un inconnu, le donneur ?

On voit d'ailleurs bien ici que le soi-disant choix laissé au donneur de lever ou non son anonymat n'est qu'un paravent qui ne tiendra qu'une poignée d'années. Dans une même fratrie (obtenue grâce à différents donneurs) il y aura des enfants qui connaîtront l'identité du donneur et d'autres qui ne la connaîtront pas. Cela semble difficilement défendable, et rapidement les donneurs seront condamnés à voir leur identité révélée.

Le 23 Juin 2009, Mme Bachelot a dit :
C'est la raison pour laquelle l'émotion compatissante ne peut être à l'origine de la loi. Elle doit donc céder la place au jugement responsable, qui se détermine en fonction du respect de principes généraux. (http://discours.vie-publique.fr/notices/093001930.html)

J'espère que c'est avec la même sagesse qu'elle évaluera l'opportunité de supprimer ou non (et rétroactivement ou non) l'anonymat des donneurs, et les profondes conséquences d'un tel choix.

Re: Don de gamètes : quelle filiation ?

Je connais bien le rapport Terranova. Il ne propose pas une filiation adoptive pour les dons de gamètes. Il propose que comme dans la filiation adoptive, il y ait une mention biographique du jugement qui établi la parenté. Cela serait en effet très curieux d'adopter un spermato ou un ovule ! De plus, la présence de ce jugement empêcherait toute contestation de la filiation. Aujourd'hui, certes, on ne peut déjà pas établir une filiation envers le donneur (c'est interdit), mais le receveur peut contester la sienne car le juge n'est pas obligatoirement au courant du don. Petites précisions : les jugements d'adoptions sont mis en mention dans l'acte d'état civil, ils ne sont pas visibles lorsque l'on demande un simple extrait d'état civil. De plus, les jugements d'adoption ne précisent pas le nom des géniteurs. Donc dans le schéma proposé de Terrranova, rien n'oblige à communiquer l'identité des donneurs.

Cela dit, je trouve un peu fallacieux les arguments sur le risque sur la filiation émis dans certains commentaires. La filiation est protégée par la loi, elle ne dépend pas des personnes ni d'une levée de l'anonymat. Il ne faut pas tout mélanger !

Re: Don de gamètes : quelle filiation ?

Merci pour ces précisions. C'est donc un type supplémentaire de filiation qu'il faudrait inventer.

Cela pose quand même beaucoup de questions, et ce qui à première vue ressemble à une "simple" levée d'anonymat soit-disant à la discrétion du donneur (hum) risque d'entrainer de profonds changements.

La filiation est protégée par la loi, elle ne dépend pas des personnes ni d'une levée de l'anonymat. Il ne faut pas tout mélanger !

Vous me pardonnerez d'être moins confiante que vous : c'est aussi la loi qui était censée protéger notre anonymat. Les lois changent. Rétroactivement.

Re: Don de gamètes : quelle filiation ?

Bonjour,

Je suis étudiante en école de journalisme à Paris. Dans le cadre de ma formation en spécialité TV, nous réalisons avec une collègue un reportage vidéo sur le don
de gamètes anonyme. Dans nos recherches, nous sommes tombées sur votre tribune, très intéressante.

Je vous contacte donc pour savoir si vous habitiez dans la région parisienne et s'il serait possible de vous rencontrer dans les prochains jours. Je vous précise qu'il s'agit d'un exercice diffusé exclusivement au sein de l'école, en interne. si vous êtes d'accord, signalez-le moi et je vous laisserai mon mail.

Re: Don de gamètes : quelle filiation ?

Bonjour,
Je suis le responsable du site. J'ai transmis votre demande à l'auteure de la tribune. Vous devriez avoir une réponse très vite.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Lorsque je lis dans les commentaires que "l'Etat n'a pas de parole", je m'interroge plutôt sur la capacité ou non de l'Etat, en règle générale, à penser à frais nouveaux une loi qui respecte davantage tous les citoyens dudit Etat.
Peut-être pouvons-nous nous accorder sur le fait qu'un pouvoir excessif a été donné au corps médical en la matière (le Conseil d'Etat le dénonce dans son rapport) et qu'il s'agit déjà de remettre chacun à sa juste place.
Peut-être pouvons-nous nous accorder également sur le fait qu'assimiler le don de sang au don de gamètes fut une erreur : il suffit de lire des récits sur le mode de don pour vérifier que donner du sang ou des gamètes n'est pas franchement la même chose...
Peut-être pouvons-nous nous accorder aussi sur le fait que le couple receveur de dons de gamètes n'a pas été jusqu'alors formé à la parole sur ce sujet avec son /ses enfants, d'où certains dégâts collatéraux. Ni les donneurs, d'ailleurs.
Nous pouvons surtout resituer la proposition actuelle de levée de l'anonymat dans une perspective plus large que celle du trinôme donneur-receveur-enfant. De même que beaucoup prennent actuellement des positions sur le respect dû à certaines catégories de population dans notre pays, nous avons le devoir de reconnaître que la proposition actuelle de loi bioéthique intègre enfin la possibilité pour tous les citoyens qui le souhaitent de demander l'accès à toutes leurs origines. L'obtiendront-ils ? C'est une autre affaire.
Dans un forum au nom de "sciences et démocratie", il me semble qu'on doit encourager ce droit, au nom de la démocratie. De plus, quand un chèque n'est pas signé, la banque le renvoie à celui qui l'a fait et non pas à celui qui le reçoit. N'est-il donc pas très injuste de s'en prendre aux personnes issues de dons dans l'unique objectif de protéger des donneurs ?
Que des donneurs n'aient jamais pensé qu'une loi les concernant pouvait changer peut s'admettre. Cependant, beaucoup d'autres lois changent sans qu'on dise pour autant que l'"Etat n'a pas de parole". Nous ne vivons pas, jusqu'à preuve du contraire, dans une société figée, une fois pour toutes, ni dans un régime totalitaire. De plus,loi ou pas, les actes que nous posons, quels qu'ils soient,et à quelque moment que ce soit, ont toujours des conséquences. Elles sont infinitésimales pour le don de sang, elles sont d'un autre registre, y compris symbolique, pour le don de gamètes. Il suffisait d'y penser et de reconnaître que la discrimination liée au mode de conception est aussi choquante que celle liée à l'origine ethnique. La proposition de loi ne changeant rien à la filiation dûment établie, où est le problème ?

Attention aux raccourcis + une piste intéressante

Bonjour contributeur anonyme,

Dans ce message, vous faites des parallèles assez discutables pour bâtir votre raisonnement. Quelques exemples :

- Vous souhaitez "une loi qui respecte davantage tous les citoyens dudit Etat". Respecter tous les citoyens ne veut pas dire nécessairement accéder à toutes leurs demandes. Se faisant, l'Etat doit aussi gérer les "intérêts" contradictoires. Cela nous renvoie à la définition de l'intérêt général...

- Vous écrivez "donner du sang ou des gamètes n'est pas franchement la même chose". Certes, mais je ne vois pas où vous voulez en venir.

- Vous demandez "la possibilité pour tous les citoyens qui le souhaitent de demander l'accès à toutes leurs origines".
Le coeur de la tribune d'Albertine Proust est de dénoncer l'importance trop grande accordée aux gènes. Le Conseil Consultatif National d'Ethique (CCNE) le rappelle d'ailleurs dans l'avis n°105 qu'il a produit lors de la phase préparatoire du grand national l'année dernière (Avis N°105 Questionnements sur les Etats Généraux de la bioéthique) :

Quant à l’anonymat, le législateur français de 1994 (imité en cela par celui de 2004) a fait valoir une philosophie de la paternité qui ramène le donneur de gamètes au même rang qu’un donneur de sang. Sur un plan éthique et symbolique, la position du législateur est compréhensible : il s’agit de signifier aussi
bien aux parents qu’aux enfants conçus de la sorte, la suprématie de l’affectif sur le biologique, du social sur le génétique. La loi porte un message : le pére est autre chose et plus qu’un donneur de gamètes, le donneur devant dès lors être laissé dans l’ombre pour ne pas troubler l’équilibre psychique de l’enfant.

Je copie également le paragraphe suivant du même rapport, dont la conclusion justifie notre discussion :

Pourtant, avec le recul dont on dispose aujourd’hui, il apparaît que certains enfants nés à la suite d’un don de gamètes anonyme éprouvent un profond mal-être. Ainsi, une conception généreuse et relationnelle de la paternité, peut buter sur des données intuitives et affectives réfractaires à l’argumentation, et sur une vision de l’humain qui assume la corporéité et les sentiments. Le débat n’est donc pas clos entre le respect de l’anonymat des dons de gamètes et l’accès aux origines personnelles.

- Vous signalez que "d'autres lois changent" et que "nous ne vivons pas dans une société figée". Nous sommes bien d'accord sur ce point ! Mais cela ne peut pas se faire n'importe comment

Bon, j'espère que mon ton ne vous apparaîtra pas trop sec. Je vous livre mon sentiment en toute franchise. N'hésitez pas à faire de même. La discussion vous reste ouverte.

Dans votre message, il y a une piste qui me semble vraiment intéressante à creuser, et qui aurait certainement dû être prévue dès le départ : la "formation" des parents receveurs et l'accompagnement du jeune en souffrance sur cette question des origines.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Peut-être pouvons-nous nous accorder sur le fait qu'un pouvoir excessif a été donné au corps médical en la matière (…) et qu'il s'agit déjà de remettre chacun à sa juste place.
Nous sommes d'accord qu'aux balbutiements de ces méthodes de reproduction, le corps médical avait de fait un pouvoir excessif. C'est pour corriger ce déséquilibre qu'ont été votées les lois de bioéthique en 1994, puis en 2004.
Il ne faudrait pas remplacer le pouvoir excessif du corps médical par le pouvoir excessif d'une minorité d'enfants ayant bénéficié de dons et réclamant de connaître l'identité du donneur.
C'est bien pour mettre chacun à sa juste place qu'a été constituée la mission d'information sur la révision des lois de bioéthiques qui a conclu, après avoir écouté de nombreux témoignages et considéré ce qui était fait à l'étranger, qu'il ne fallait pas lever l'anonymat des donneurs.

Il suffit de lire des récits sur le mode de don pour vérifier que donner du sang ou des gamètes n'est pas franchement la même chose...
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Si vous parlez du geste technique, évidemment qu'il est différent du geste technique du don de sang. De même que les dons de plaquettes, de plasma ou de moelle osseuse sont tous différents les uns des autres. Cela ne signifie pas qu'assimiler le don de gamète au don du sang est une erreur : dans tous les cas, le don est anonyme et gratuit.
C'est vrai qu'avant 1994, il y a apparemment eu des tractations douteuses, du type "un don du sperme contre une vasectomie". Etait-ce fréquent ? En tout cas, pour les dons faits au Cecos à partir de 1994, les conditions sont bien les mêmes que pour les dons de produits sanguins et notre geste était de nature identique.

De plus, quand un chèque n'est pas signé, la banque le renvoie à celui qui l'a fait et non pas à celui qui le reçoit.
Pardon ?

N'est-il donc pas très injuste de s'en prendre aux personnes issues de dons dans l'unique objectif de protéger des donneurs ?
Excusez-moi, mais, moi, je ne m'en prends à personne, et j'aimerais que ce soit réciproque.
Ce sont certains enfants ayant bénéficié de dons qui ont des mots extrêmement durs et injustes envers les donneurs. Je trouve normal de vouloir mettre à l'abri ma famille, et moi-même, de tels individus.

les actes que nous posons, quels qu'ils soient, et à quelque moment que ce soit, ont toujours des conséquences.
Et vous, avez-vous bien pensé aux conséquences de votre action militante pour la levée de l'anonymat des donneurs ?

Elles sont infinitésimales pour le don de sang.
Non, elles ne le sont pas. Un don du sang peut sauver une vie.

Il suffisait d'y penser et de reconnaître que la discrimination liée au mode de conception est aussi choquante que celle liée à l'origine ethnique.
De quelle discrimination parlez-vous ? Les enfants nés grâce à un don de gamète ont la même filiation que les enfants les plus chanceux (filiation charnelle). Ils ont un père et une mère, chacun porteur d'une histoire familiale qu'il peut leur transmettre. De plus, contrairement à nombre d'enfants, ils ont la certitude d'avoir été ardemment désirés.
Cela ne vous suffit-il pas ? Il vous faut en plus vous approprier l'histoire d'un donneur inconnu ? Un parent de réserve, si vos relations sont difficiles avec vos parents ou si vous les perdez prématurément ?
Ce sont les conséquences de la levée de l'anonymat sur la nature de la filiation qui seront discriminantes. J'en ai parlé plus haut : elles vont priver les receveurs et leur enfant d'une filiation charnelle. Les enfants nés par AMP avec don risquent d'avoir une filiation particulière, à mi-chemin entre la filiation charnelle et la filiation adoptive.

La proposition de loi ne changeant rien à la filiation dûment établie, où est le problème ?
Pour vous, qui avez sans doute déjà bénéficié d'un don pour naître, le problème n'est apparemment nul part. Pour la société, le problème est :

    1) Une baisse du nombre de donneurs par la filière Cecos.
    Des sondages effectués auprès de donneurs de sperme ont révélé que près de la moitié d’entre eux ne viendrait pas si l’anonymat n’était pas garanti (cf. le rapport Leonetti). Les receveurs attendent déjà environ 18 mois avant de pouvoir bénéficier d'un don. Sauf à augmenter encore le nombre d'enfants issus d'un don, ce délai va augmenter significativement.

    2) Le changement de la nature des donneurs.
    Les donneurs vont-il encore donner par altruisme, ou dans l'espoir d'avoir 10 descendants avec qui ils pourront établir un contact à leur majorité ?

    3) Le développement de filières parallèles illégales.
    Que ce soit :
    - pour raccourcir les délais d'attente,
    - pour ne pas être contraints de révéler à leur enfant qu'il est né d'un donneur,
    - par peur de voir leur filiation amoindrie par la révélation de l'identité du donneur,
    les receveurs risquent de faire appel à des filières illégales pour se procurer du sperme.

    Les enfants issus de ces dons illégaux:
    - ne connaîtront pas, eux non plus, l'identité du donneur et n'auront aucune garantie sur ses antécédents médicaux ;
    - auront peut-être plus d'une centaine de demi-frères et demi-sœurs génétiques, comme cela s'est vu aux Etat-Unis ;
    - pourront raisonnablement penser que la seule motivation de leur donneur était l'appât du gain.

Je vous invite d'ailleurs à lire le rapport Leonetti qui est très clair sur les raisons pour lesquelles il préconise le maintien de l'anonymat des gamètes.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Un mariage consanguin entre demi-frères et sœur ne pose pas de gros risque, c'est l'accumulation de plusieurs générations en consanguinité qui va être problématique, comme explique ici:
Calcul de la consanguinité

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Association e.paulineadrien.com -information et accompagnement des couples infertiles.
Il y a quelque chose qui me fait réagir, la possibilité pour les enfants issus d’un don de sperme ou d’ovocytes d’avoir accès une fois majeurs à certaines données non identifiantes : impossible de présenter les donneurs de gamète comme étant "le père ou la mère biologique" de l'enfant. Or, c'est bien là toute la confusion avec l'adoption où effectivement, il y a bien eu un moment antérieur (à l'adoption) avec un père et une mère biologique. Ici, on n'est pas dans le temps historique de l'enfant, on est dans la préhistoire de ses parents et ses parents sont bien ses parents biologiques, c'est-à-dire ceux qui lui ont donné la vie. La vie commence non pas au gamète mais à l'implantation d'un embryon dans un milieu favorable. Avant, il y a germe, potentialité, ce qu'on veut mais pas encore la vie. Pour qu'il y ait de la vie, il faut qu'il y ait de la rencontre, du deux. Une graine plantée dans la terre, ça pousse, ça se transforme, ça vit. Une graine, ça reste une graine. Sinon, on serait non pas 6 milliards sur terre mais 1000000000 milliards de milliards vu le nombre de gamètes en circulation!

Il est par ailleurs tout à fait intéressant de voir à quoi se réduit, parce que c'est vraiment d'une réduction dont il s'agit, le don d'une part et la notion d'origine d'autre part : niveau socio professionnel, origine géographique, taille, informations médicales. Or, il me semble que le principal intérêt de retrouver le donneur pourrait être non pas de savoir que le donneur est un tourneur-fraiseur ou un polytechnicien ou qu'il mesure 1m85 (parce qu'on au fond qu'est-ce que ça changerait pour l'enfant de savoir que le donneur est brun s'il est brun lui-même et que ses deux parents biologiques sont bruns aussi! Le voilà bien avancé dans la découverte de ses origines!) et pourquoi pas aussi combien il pèse et combien il a pesé aussi au moment du don, et juste après aussi tant qu'on y est? Le principal intérêt pourrait être dans ce qu'on désigne par "informations médicales" et là, c'est un océan qui s'ouvre. Que doit dire le donneur? Sa responsabilité pourrait elle être engagée s'il s'avère qu'il a donné son sperme alors que dans sa famille, beaucoup de femmes ont eu le cancer du sein? Que se passerait-il s'il omettait une maladie? Un homme donneur penserait-il à évoquer les cancers du sein de sa grand-mère, de sa tante et d'une de ses cousines? Que représenterait pour cet enfant devenu adulte le fait de lire sur une fiche une liste d'antécédents familiaux qui ne peuvent s'avérer -ou pas- que dans une certaine configuration? Et puis, après tout, qui est capable de dire grand chose sur son patrimoine de santé? Combien de personnes qui découvrent un jour être porteur d'une disposition qu'ils ignoraient tout à fait, leurs parents proches n'étant pas atteints? Sans compter que l'on sait de plus en plus qu'un patrimoine génétique se développe ou pas en fonction de son environnement (encore cette histoire de rencontre ou encore, on pourrait dire : c'est la rencontre qui fait histoire). Alors quoi, nous voilà encore face à cette énigme du gène qu'on veut essayer de noyer dans le niveau socioprofessionnel (qui est loin de pouvoir être transmis dans un gamète ou alors je n'ai rien compris à ce qu'on appelle l'acquis). Et puisqu'on parle d'acquis, rappelons qu'on parle fort justement d'inné et d'acquis. L'inné, ce n'est pas le génétique, ce n'est justement pas le génétique, l'inné vient après le génétique ou plutôt il n'est essentiellement pas de même nature. L'inné, il est dans l'histoire de la grossesse, de la naissance et il est fichtrement plus important d'en savoir quelque chose que de savoir quelque chose de l'histoire du donneur. J'ajouterai aussi, pour aller dans le sens de cette frénésie génétique que si l'enfant issu d'un don veut avoir accès à ses "origines", il n'a pas de meilleure source d'information que ... lui-même. Il lui suffira de faire décoder ce qui le constitue pour savoir s'il est porteur du gène X2515fs2 ou pas. D'ici peu, ce décodage génétique deviendra de plus en plus à la portée du quidam. Alors à quoi bon aller chercher un donneur qui en réalité ne sait pas lui même ce qui était contenu dans le sperme ou l'ovocyte qu'il a donné.

Au fond, ceux qui défendent l'accès aux "origines" ont une vision assez infantile de ces origines, une vision confuse, mêlant histoire familiale, grand Autre (celui là dont on serait issu et qui recouvrerait tous les autres), désir d'échapper à un destin pour aller s'agglutiner dans un autre (le fameux roman familial, qui nous a fait faire si souvent ce rêve formidable qu'on aurait été trouvé dans un couffin par nos parents qui ne seraient donc pas nos parents et qu'on pourrait être fils de prince ou fille de sultan), "solution finale" à toutes les questions sur soi, toutes les angoisses, tout le mystère de la vie qui fait qu'on ne s'appartient jamais totalement, qu'on ne se connait jamais totalement. N'est-ce pas aussi ce fantasme qui consiste à trouver enfin un coupable, un responsable de ce que nous sommes? D'où me viennent ces cheveux filasses, d'où me vient ce menton fuyant, d'où me vient, "d'où me vient", qui se transforme, pour l'enfant, en "d'où je viens". Et quel parent n'a été contraint de se justifier de ce menton fuyant, de ces cheveux filasses, en disant "je n'y peux rien, je n'ai pas choisi de te donner ce menton fuyant, ces cheveux filasses, je n'ai choisi qu'une chose, en tant que parent, c'est de te donner la vie." De te donner la vie, et non pas de sélectionner tel ou tel gène qui fera les yeux bleus ou bruns, le grand gaillard ou le gringalet. Alors n'est-ce pas entretenir un miroir aux alouettes que d'ouvrir cet accès qui plus est rétroactif (nous ne cesserons donc jamais de regarder en arrière, de vouloir remonter le temps, d'être dans cette illusion de toute-puissance du rétroactif)?
Sans compter, et je terminerai par là tout ce que cela ne dit pas de la prééminence du gène sur l'histoire individuelle et de ce que cela signifie sur le droit du sang plutôt que le droit du sol, la stigmatisation, la négation en somme, purement et simplement du Sujet. Du sujet de l'histoire....

Point de vue de Christian Flavigny, psychanalyste

Dans un point de vue publié dans lemonde.fr aujourd'hui, Christian Flavigny, psychanalyste à la Salpêtrière, apporte un autre éclairage intéressant concernant la peur qu'ont certains enfants issus du don de s'éprendre d'un demi-frère ou d'une demi-soeur génétique, sujet qui a été évoqué à plusieurs reprises dans notre discussion :

"Ils invoquent aussi la crainte de l'inconnu qui risquerait, privés de ce qu'ils nomment "leurs origines personnelles", de leur faire rencontrer un "frère" ou une "sœur", selon leurs termes, et donc de commettre l'inceste ; cela résulte d'une confusion sur ce qui définit et fonde l'interdit de l'inceste. Car celui-ci n'engage en rien une communauté biologique : un frère et une sœur depuis un lien adoptif sont incestueux s'ils ont une relation sexuelle, alors qu'ils n'ont rien en commun d'un capital chromosomique. L'interdit de l'inceste protège tout enfant de consommer une vie sexuelle avec celui ou celle qui est son frère ou sa sœur en tant qu'il a en partage avec lui, avec elle, une dette commune à l'égard des mêmes parents : c'est là la définition anthropologique du "frère" et de la "sœur", c'est là le rôle et la définition de l'interdit de l'inceste, au profit du développement psycho-affectif de l'enfant, clarifiant le registre de la parenté."

Il indique un peu plus loin à propos de l'influence de la biologie sur le lien familial :

"outre conforter la minorité de jeunes concernés dans un leurre, c'est aussi déstabiliser l'équilibre de toutes les familles, en instillant l'idée que la biologie participerait du lien familial, ce qui est faux, à moins de précipiter vers une manière anglo-saxonne de le concevoir, en rupture avec l'héritage culturel latin qui est le nôtre, entraînant dans une approche superficielle du lien entre parent et enfant, avec d'importantes incidences sur la vie familiale et sociale."

Lire le texte intégral ici : Don de gamètes : faut-il lever l'anonymat ?

Re: Point de vue de Christian Flavigny, psychanalyste

Avant de dénigrer la culture anglo-saxonne qu'il n'a visiblement pas comprise, C. Flavigny devrait nettoyer devant sa porte car il fait une confusion entre biographie et biologie. Un enfant né par don n'est pas à la recherche de ses gènes ou d'un parent supplémentaire, il cherche simplement à connaître un bout de son histoire personnelle qui lui manque, c'est à dire les conditions de sa venue au monde.

Re: Point de vue de Christian Flavigny, psychanalyste

En lisant l'article de Christian Flavigny, j'ai aussi cru comprendre que, derrière la valorisation de "l'héritage culturel latin qui est le nôtre", ce psychanalyste s'exprimait en faveur du "mater certa, pater incertus" (mère certaine, père incertain) et cela m'a semblé très rétrograde, et plutôt méprisant pour les femmes d'aujourd'hui qui ne se réduisent pas -me semble-t-il- à être des réceptacles d'on ne sait quoi par on ne sait qui, amp ou pas. Quelques lignes plus haut dans son article, il dit que "lever l'anonymat déstabiliserait l'équilibre de toutes les familles". On retrouve là l'argument de "la paix des familles". A la paix de qui Christian Flavigny pense-t-il prioritairement ? Enfin, il parle du "malaise" de certains jeunes "iad": j'ai envie de lui demander: combien en a-t-il rencontré ? Ce qui les met vraiment mal, pour ce que j'ai pu en observer, c'est qu'on parle à leur place et qu'on leur prête de manière systématique des problèmes relationnels avec leurs parents pour introduire ensuite l"idéalisation du donneur" par ces jeunes, qui ne sont pas tous si jeunes que ça. Dit-on d'ordinaire d'une femme ou d'un homme de 30-35 ans qui exerce un métier reconnu qu'il est un "jeune" ???????? Et quand ce ou cet "iad" est parent lui-même, est-il toujours un jeune ??????? Certes, leurs parents ont idéalisé à un moment donné le donneur qui leur a permis d'avoir un enfant, pour l'oublier aussi vite que possible, à cause de l'infertilité tabou. Pour les personnes issues de don de gamètes, certaines sont dans l'idéalisation du donneur, pour les raisons de crise familiale invoquées par Christian Flavigny. Mais vraiment pas tous, par exemple pas ceux qui savent que des étudiants en médecine donnaient leur sperme pour avoir leur repas gratuit au resto-U. "La gamelle contre le gobelet" ne conduit pas à idéaliser forcément les donneurs ou "son" généreux donneur. Je les ai surtout entendus réfléchir à la manière de responsabiliser les différents protagonistes pour que ceux qui les suivront aient droit à la partie de l'histoire qui leur revient. On peut peut-être leur faire confiance pour savoir mieux que nous ce qu'ils vivent et pensent... Bien sûr que le don de sang peut sauver une vie déjà existante, bien sûr que le don de gamètes peut permettre à une vie d'advenir, mais cela n'a rien à voir. Un corps nouveau dans le corps social, c'est un être pensant de plus. Je préfère dire "tant mieux" dans un esprit de recherche face à un certain inédit que "arrêtez de semer le bazar" dans un esprit figé face à des habitudes prises. Il y a bien une question à résoudre, plutôt qu'une seule réponse, celle qu'on donnait quand ces "jeunes" n'étaient que des "bébés": ne vous posez pas de question, les mômes, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes... Quand quelqu'un a une requête comme celle de la levée de l'anonymat, n'est-ce pas parce qu'il est bien sorti de cette illusion-là?

Re: Point de vue de Christian Flavigny, psychanalyste

Très juste : au début des dons de sperme, le contexte était très différent et les motivations des donneurs très variées. Quant à C. Flavigny, sa vision normative de la famille est à côté de la plaque. En droit romain, la filiation était patrilinéaire et élective. Les mères porteuses existaient déjà et le don de sperme se pratiquait sous forme d'adultère. Dans tous les cas sans anonymat. Donc je ne vois pas en quoi la culture anglosaxonne en matière de reproduction serait opposable à l'héritage romain.

Elle.fr publie une enquête sur la levée de l'anonymat sur le don

Elle.fr vient de publier une enquête intitulée "Don de sperme : la colère des donneurs".

Ce dossier présente les différents points de vue sur le sujet. C'est intéressant. Il manque cependant un élément au dossier : les représentations qui fondent ces points de vue, et notamment les fantasmes autour de la notion de gène, qui est un des intérêts de la tribune d'Albertine. Trop dur pour Elle(s) ?

En tout cas, le dossier est ouvert aux commentaires, si vous souhaitez réagir.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

N’oublions jamais que les enfants issus d’un don qui l’ignorent ne peuvent être interrogés sur leur vécu.
50 000 enfants sont issus d’un don fait en France, seuls moins de 5% connaissent le secret de leur conception et revendiquent le droit d’avoir accès à leurs origines. Que sont devenus les 95%? ils ne le savent pas? Ils le savent ?
L’estimation du nombre des enfants issus d’un don reçu à l’étranger est irréalisable mais ils sont là aussi…Vous les croisez tous les jours.Ils vivent au milieu de leur famille comme n’importe quel enfant, n’est ce pas ce que l’on a voulu faire ? Doit-on laisser supposer aux parents qui le taisent que l'évolution c'est de le dire ? Il faudrait qu’un couple fasse un milliard et demi d’enfants pour avoir une probabilité que deux aient un génotype identique…

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

J'apprécie beaucoup votre raisonnement qui se rapproche beaucoup du mien.

Je suis actuellement en phase de don de sperme et un peu perturbé par la modification de loi en cours je cherche à trancher ma position en faveur du don ou d'arrêter la procédure.

En trois points je dirai que je suis :

1/ CONTRE : la levée totale

2/ POUR : pour la levée en milieu médical pour des thérapies sur l'enfant né par IAD et nécessitant le donneur (besoin de cellules souches)

3/ LIMITEE et CONTROLEE : quant aux critères sur l'indentité, Coordonnées, nom, localisation : NON
Profil socio / profession : NON (imaginez un enfant né dans un couple CSP ++ avec un père ouvrier, quel rejet ou association pourrait-il faire sur son échec scolaire social ... ou inversement)
Profil physio : OUI cheuveux, yeux, taille

Une chose est sure aujourd'hui, le seul projet en cours fait chuter considérablement le nombre de donneurs et va accroitre le nombre d'actes plus ou moins contrôlés en dehors de nos frontières.

Levée de l'anonymat : ou, comment se mobiliser ?

Bonjour à tous,

J'ai une question et suis à la recherche d'infos. Peut-être quelqu'un peut-il m'aider ?

La déclaration de la ministre ne scelle pas le destin de la loi. Surtout, comme le souligne Albertine, qu'elle est en contradiction avec la proposition du rapport Leonetti.

Alors qui se mobilise, quand, comment ? On le voit, l'association PMA (Procréation médicalement anonyme) défend avec succès les enfants du don qui souhaitent accéder à leurs origines. Mais qui défend la cause des donneurs ? ça intéresse Sciences et Démocratie de savoir s'il y a un vide de ce point de vue et, surtout, je pense que ça peut intéresser ceux de nos lecteurs qui voudraient s'impliquer.

Merci d'avance.

Re: Levée de l'anonymat : ou, comment se mobiliser ?

les dés semblent être jetés depuis aujourd'hui...les donneurs (ses) par définition sont anonymes et donc ne peuvent faire l'objet d'un regroupement(de plus ils ne sont pas malades par définition). Il y en a plusieurs au sein de l'association qui en cotoyant des couples qui avaient besoin d'un don de gamètes ce sont promis une fois leur famille conçue, de les aider. Ils ont partagé la même souffrance étant eux aussi pris en charge en AMP.Ils l'ont fait simplement par générosité, faisant avancer ces couples dans la liste d'attente, bien sûr il s'agissait de dons croisés...Malgré l'insistance pour les faire entendre médiatiquement, car sans eux plus de don, impossible, les 85 enfants de l'association AMP (moins de 5% des enfants issus d'un don en France) ont été plus écoutés (impossible de comptabiliser les enfants issus d'un don fait à l'étranger et tant mieux) on a voulu faire des familles comme les autres et tant mieux on y est arrivé, ils sont passés à autre chose et tant mieux, alors cette loi va-t-elle mettre un doute dans la tête de leurs parents ? Vont-ils la prendre comme une évolution acquise de l'expérience collégiale ? En tous les cas je ne connais ni donneurs ni donneuses qui referaient un don dans ces conditions...La menace de rétroactivité les a tourmentés, ils ne souhaitent pas dans 20 ans voir arriver un enfant au sein de leur famille, ce n'est en aucun cas leur enfant, leur responsabilité s'arrête à la ponction d'ovocytes et à l'éjaculat....

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Avant d'inonder de compliments Albertine pour ce brillant article, il y a quelques questions qui ne sont pas abordées dans son point de vue et qu'il me semble intéressant de soulever :

- La première, très technique (pour moi) concerne le caractère rétroactif de la loi : il ne me semble pas que ce soit chose courante en droit français (voire même rarissime) et ça me turlupine vraiment de savoir jusqu'à quel point on est dans un cas exceptionnel. Pour les crimes et autres délits, il me semble que jamais la loi ne s'applique rétroactivement (et tant mieux pour moi, car je vous avoue que j'ai fumé des cigarettes dans des lieux publics avant que ce soit interdit - je sais c'est mal, mauvais pour la santé mais c'était légal et même assez courant - et que jamais je ne serais coupable de quoi de quoi que ce soit légalement).

- La seconde question concerne aussi le caractère politique de cette proposition : Jusqu'à quel point elle entraverait les procédures de dons durant la période de transition et après ? Au delà de la solution technique qui consiste à distribuer plus de gamètes d'un même donneur. Le droit de ces enfants issus n'est-il pas un prétexte idéal pour tous les gens qui sont contre toute forme de procréation assistée pour des raisons spirituelles et en général contre toute forme d'intervention médicale en amont (planning famillial) et en aval (avortement) de la conception ?

Je pense, à titre personnel, qu'il faut (c'est mon côté ingénieur) diviser le problème soulevé dans la tribune. Si le problème de la levée éventuelle de l'anonymat des donneurs peut-être discuté (c'est un problème éthique, complexe, une vraie question d'éthique et donc quelque chose tout sauf simple), celui de la rétroactivité et de l'"outing" (désolé, je n'ai pas de meilleur mot) des donneurs me semble être un pur problème de droit avant d'être un problème d'éthique.

Sinon, je souscris globalement aux propos d'Albertine, notamment celui qui consiste à dire que la question des origines biologiques est une question trop souvent sur-estimée dans ce problème. Oui, le tout génétique est ridicule, dangereuse et exagérée. Notre société voit dans l'ADN et la génétique l'alpha et l'oméga de tout et n'importe quoi (d'ailleurs l'irruption de ces deux termes en tant que métaphores dans notre vocabulaire en est un indicateur assez intéressant) alors que ce n'est certainement pas le cas.

A propos de la rétroactivité de la loi

D'accord avec vous, Labosonic. Du coup je viens de jeter un oeil sur internet à cette question de rétroactivité des lois. Et je suis tombé sur une page wikipédia très éclairante : Rétroactivité en droit français. En voici quelques extraits :

"Le principe de non-rétroactivité constitue un principe important du droit commun."

"Que deviendrait donc la liberté civile, si le citoyen pouvait craindre qu’après coup il serait exposé au danger d’être recherché dans ses actions ou troublé dans ses droits acquis, par une loi postérieure ?" (citation de Jean-Étienne-Marie Portalis devant le Corps législatif en 1803).

"Le droit se méfie de la rétroactivité (effets d'un acte présent remontant au passé), car elle semble souvent contraire à la sécurité juridique. Pourtant elle continue d'apparaître en de multiples occasions (certaines lois, certains effets de jugements)".

L'article explique aussi qu'une loi rétroactive "doit répondre à un but d'intérêt général suffisant".

La question est donc posée : En quoi rendre rétroactive la levée de l'anonymat des donneurs de gamètes répondrait à un but d'intérêt général ?. A vos copies ;)

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Albertine, merci à vous pour ce cri d'alarme, qui, au-delà de son caractère brillant, constitue pour moi un témoignage particulièrement touchant.

Je me pose tout de même une question sur vous, vous qui avez réagi, de diverses manières, à cet article. Quelle connaissance, quelle expérience réelle avez-vous du sujet ?
Alors vous pourrez toujours me répondre que n'être pas directement concerné permet parfois, en n'étant pas dans l'émotion, d'avoir une vision plus juste, un raisonnement plus serein sur la question posée. Et pourtant ...

Je me présente, j'aurai quarante ans bientôt, je suis l'heureuse maman de 3 enfants, plus merveilleux les uns que les autres. Mes enfants ne se ressemblent pas, et c'est assez logique, puisqu'ils n'ont aucun gène commun. Pourtant, ce sont nos enfants, à mon mari et à moi, sans la moindre ambiguïté. L'aînée a été conçue par ICSI ; les deux plus jeunes également, mais avec, en plus, l'intervention, pour chacun d'eux, d'un donneur et d'une donneuse. Dont nous ne savons rien, ou tellement peu que rien aurait peut-être été préférable. Je ne suis pas certaine, en effet, à supposer qu'un de mes enfants souhaite plus tard obtenir des informations sur le donneur ou la donneuse, que le fait de savoir que la donneuse était brune, ou que le donneur aimait l'informatique, lui apporte grand chose.

On nous a rebattu les oreilles, pendant de longs mois, d'études, de réflexions, de débats divers, supposés aboutir, en tout cas le croyais-je, à de réelles avancées en matière de PMA. Tant de points méritaient d'être discutés, tant d'améliorations étaient envisageables, en matière de GPA notamment ( Gestation Pour Autrui ). Et tout ça pour quoi ? Pour accoucher d'un projet qui non seulement n'apporte aucune avancée dans les vrais domaines où c'eût été possible, mais qui, en plus, donne l'impression tant aux donneurs qu'aux receveurs d'avoir été trahis.

Oui mais, me direz-vous, il y a l'intérêt de l'enfant, le sacro-saint intérêt de l'enfant ! Parce que c'est sûr, l'intérêt de nos enfants, nous n'y avons, nous, jamais réfléchi ! De même que les donneurs n'ont forcément, eux non plus, jamais pensé à l'intérêt de ces petits êtres humains qu'ils allaient contribuer à faire venir au monde.

Pour ce qui me concerne, je n'ai pas de certitudes. Et oui, je je reconnais volontiers, les difficultés exprimées dans les médias par quelques ex-bébés IAD m'ont plus d'une fois troublée. Seulement voilà, non seulement il semble que ces jeunes gens ne soient qu'une minorité, non seulement il apparaît que certains ont été informés de la particularité de leur mode de conception à un moment qui n'était pas approprié, mais surtout, est-ce que l'on peut vraiment affirmer qu'un seul de ses enfants verra ses difficultés résolues lorsqu'il saura que le Monsieur qui lui a transmis un peu de son patrimoine génétique se prénommait Jean-Pierre, qu'il habitait dans l'Est, et qu'il était coiffeur pour chiens ?

En revanche, et nombre de spécialistes s'accordent à le redouter, parmi tous ceux qui vont bien, qui ont appris à vivre avec cette part de mystère qui fait partie intégrante de ce qu'ils sont, combien vont se retrouver bousculés, voire sérieusement perturbés, par cette nouvelle possibilité qui va désormais s'offrir à eux ? Quand on vous donne l'espoir d'avoir accès à des informations que vous aviez toujours cru impossibles à obtenir, quand on vous fait miroiter l'illusion que c'est important, que ça vous sera bénéfique, comment ne pas être tenté ? Et tout ça pour quelles conséquences ?

Le point de vue des parents n'est pas forcément le plus facile à défendre, puisque certains nous considèrent comme des égoïstes n'ayant cherché qu'à assouvir leurs propres envies ; mais celui des donneurs, dont le geste altruiste nous est tellement précieux, mérite à mon avis d'être entendu. Ces gens-là, au moins, ne peuvent, selon moi, être accusés de rien. J'ajouterais d'ailleurs : pour le moment, puisqu'ils ont donné sans rien attendre en retour. Au contraire, si on commence à lever un pan de l'anonymat, on pourra également commencer à les suspecter de n'être pas totalement désintéressés, de vouloir s'immiscer dans la vie de la famille, ou que sais-je encore.

A la personne qui s'est permis de comparer le don anonyme à un "chèque non signé", je rappellerai que le don de gamètes est anonyme pour le couple qui va en bénéficier, mais que l'acte de don lui-même fait suite à un long processus, durant lequel le donneur ou la donneuse a maintes fois l'occasion de décliner son identité au corps médical, aux psychologues, et j'en passe. Personne ne jette ses ovocytes, ni même son sperme, de manière anonyme dans une éprouvette ou une pipette.

A ceux qui évoquent abusivement les enfants "nés par AMP", je rappellerai qu'entre la conception et la naissance, il se passe environ 9 mois. Mes enfants ne sont donc pas nés par AMP, ils sont nés de manière très classique, dans la salle de naissance d'une clinique, par voie basse.

Si ce projet est voté en l'état, il y a des chances que ça en soit définitivement fini du don en France, car la plupart de ceux qui ont donné n'auraient pas donné dans ces conditions-là. Qu'à celà ne tienne, car un bon nombre de ceux qui ont reçu n'auraient pas souhaité le faire non plus. Ils iront à l'étranger, pour autant qu'ils auront les moyens de le faire ; et nos chers médias auront beau jeu, comme ils aiment à le faire quand le sujet vient dans l'actualité, de stigmatiser les centres étrangers, cliniques espagnoles, grecques, ou tchèques, où des couples sans scrupules se rendraient, au mépris des risques et de la morale, pour contourner nos lois françaises tellement bien faîtes et tellement protectrices.

Quant à ceux qui, sensibles à l'intérêt de l'enfant, pourraient tout de même être tentés de donner, ils risquent d'y réfléchir à deux fois avant de se lancer, sachant désormais qu'ils seront à la merci de toute évolution législative ultérieure, quand bien même elle n'interviendrait que dans 10 ou 20 ans ...

Re: Témoignages de parents

Bonjour,

Je vous remercie pour ce témoignage qui soulève beaucoup de points et qui est particulièrement intéressant car il vient de receveurs.

A ce propos, je voudrais vous inviter à lire le témoignage d'un autre receveur qui décrit l'évolution de ses enfants par rapport à la compréhension de leur mode de conception. Ce témoignage se trouve sur le site de l'ADEDD (Association Des Enfants Du Dons). A noter : cette association ne prend pas position sur la question. Chaque membre y répond selon sa sensibilité.

http://www.adedd.fr/forum/les-questions-sur-la-pma-1/a-propos-du-projet-...

En lisant certains témoignages, je me demande aussi si des parents n'ont pas confondu "ne pas cacher aux enfants comment ils ont été conçus" avec "leur demander pardon". Autant nous pensons qu'il est préférable de ne pas cacher aux enfants qu'ils sont nés grâce à un don, autant il nous semblerait incongru que des parents aient à se justifier auprès de leurs enfants sur la façon dont ils ont été conçus.

Dossier du Monde du 6/10/10

La "contre-enquête" du Monde du 6/10 vient apporter une précision capitale :

"L'anonymat ne pourra jamais être levé sans l'accord du donneur"

Albertine, étiez-vous au courant ? Le projet de Roselyne Bachelot a-t-il évolué, ou bien a-t-elle apporté des précisions qui n'avaient pas été données au départ ? Il est vrai qu'il règne un certain flou dans la mesure où le ministère de la santé n'a rien publié à ce sujet sur son site.

A noter également dans ce dossier du Monde que la plupart des pays européens ont levé l'anonymat sur le don des gamètes. En Suède, premier pays à l'avoir fait en 1984, aucun enfant n'a cherché à connaître l'identité de son donneur. L'explication : peu de parents révèlent à leurs enfants la manière dont ils ont été conçus. L'article indique également que de nombreuses suédoises préfèrent se rendre au Danemark afin de conserver l'anonymat des donneurs.

Re: "L'anonymat ne pourra jamais être levé sans l'accord du ..."

Bonjour,

Oui, dès son annonce le 31 août, le projet a prévu de ne lever l'anonymat qu'avec l'accord du donneur. Cependant, on ne sait pas à quel moment le donneur pourra se prononcer. Comme mentionné dans notre tribune, cela ne nous pose pas de problème de contacter le Cecos pour indiquer notre choix aussitôt la loi passée. C'est plus problématique s'il est prévu que nous soyons contactés suite à la demande d'enfant(s) devenu(s) majeur(s).

Cependant, nous ne croyons pas qu'il est vrai que "l'anonymat ne pourra jamais être levé sans l'accord du donneur".

1) Déjà, parce que rien ne permet à ce gouvernement de dire "jamais". Nous avons découvert à nos dépens que les lois peuvent être rétroactives.

2) Ensuite, parce que l'association PMA, le lobby qui a poussé la ministre à faire cette malheureuse annonce alors que le rapport Léonetti concluait qu'il ne fallait pas lever l'anonymat des donneurs, affiche clairement qu'elle ne compte pas en rester là. On peut lire sur leur site1 :

Nous reconnaissons à ce projet un bel élan....une reconnaissance d’un problème.... et la volonté de faire bouger les choses.
Au fait qu’il soit "applicable immédiatement" nous reconnaissons aux initiateurs de ce projets une réelle main tendue aux IAD aujourd’hui adultes....ceux de l’association et tous les autres… !! VOTRE DONNEUR PEUT ETRE CONTACTE !!!
MAIS....
Les donneurs pourront toujours refuser d’être identifiés au moment où ils seront contactés... si on arrive à la contacter !!
Nous restons attachés au principe d’autonomie de l’enfant quant à son choix de savoir ou de ne pas savoir.
Nous restons attachés au principe que LE SAVOIR SUR SOI ne doit pas dépendre de la volonté d’autrui.

Maintenant que le gouvernement adhère à leur vision de l'AMP avec tiers donneur, ils n'ont aucune raison d'en rester là. Bien que minoritaires, ils sont devenus des acteurs incontournables de ce débat.

3) Enfin, en laissant le choix au donneur, on va créer des inégalités entre les enfants nés de dons. Nous doutons que cela soit juridiquement acceptable. Dans une même fratrie, il y aura des enfants qui connaîtront l'identité de leur donneur et d'autres non. Ceux dont le donneur aura refusé de lever son identité seront plus que jamais motivés pour faire sauter ce dernier verrou. Et peut-être encore plus s'ils connaissent la catégorie socioprofessionnelle du donneur et que cette catégorie socioprofessionnelle est en adéquation avec leurs fantasmes.2

La question a plus ou moins été abordée lors de discussions concernant la création d'un double-guichet (un guichet anonyme et un guichet non-anonyme) pour les dons de sperme. Lors des auditions3 pour la préparation des nouvelles lois de bioéthique, Jean-François Mattei a témoigné :

J’ai longtemps pensé que le double guichet était une bonne idée. Mais, après réflexion, j’ai changé d’avis car il entraînerait une discrimination : certains enfants auront été conçus grâce à l’insémination du sperme d’hommes qui ne veulent pas donner leur identité, tandis que d’autres auront accès à leurs origines. La moins mauvaise solution est en conséquence le maintien de l’anonymat.
Il faudrait sans aucun doute améliorer grandement la communication de données génétiques et médicales non identifiantes, afin de permettre à l’enfant de bénéficier de prévention et de prévoyance, encore que cela s’impose moins que pour l’accouchement sous X, les donneurs étant sélectionnés pour leurs qualités génétiques.
Ainsi, faute de solution satisfaisante, il faut retenir la moins mauvaise, et il faut s’en accommoder.

Jean-Luc Bresson (président de la fédération française des Cecos), lui, mettait en garde :

La solution du « double guichet » prôné par certains, qui laisserait au couple receveur et au donneur la possibilité de choisir de lever l’anonymat, comporte un risque de discrimination au détriment des enfants. En tout état de cause, il faudrait, avant de remettre éventuellement en cause l’anonymat tel qu’il a été organisé en 1994 et confirmé en 2004, établir un bilan approfondi de la pratique de ces trente dernières années et conduire une réflexion approfondie sur les conséquences de la levée de l’anonymat pour toutes les personnes concernées, sur la filiation et sur les possibilités d’accéder aux origines génétiques dans toutes les circonstances – et elles sont nombreuses dans notre société – où la question se pose ou sera immanquablement posée.

Nous avons le sentiment que Mme Bachelot a eu peur de n'avoir pas grand chose à proposer dans cette nouvelle loi de bioéthique. C'est pourquoi elle aurait, contre l'avis du rapport, proposé cette levée "au choix" de l'anonymat. Si on ne prend pas la peine d'y réfléchir, on peut effectivement avoir l'impression que cela "ne change pas grand chose". C'est, selon nous, une très grave erreur d'appréciation : ce choix ne peut qu'être provisoire, il sera modifié rétroactivement. Et je ne parle même pas ici des conséquences pour les couples receveurs de cette loi qui "ne change pas grand chose".

  1. http://www.pmanonyme.asso.fr/ , rubrique actualités. Attention, à l'entrée du site une fenêtre de publicité est ouverte.
  2. Cette histoire d'accès à la catégorie socioprofessionnelles est une grande source d'interrogations pour nous. Quel en est le sens ?
  3. http://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/i2235-t2.asp

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Albertine, oui, j'ai lu ce témoignage. Grâce à vous, puisqu'il y a encore quelques jours, je n'avais jamais entendu parler de cette association. De création récente apparemment. J'espère qu'elle saura devenir un lieu d'échanges et de débat, et surtout pas un endroit où les membres de PMA viendront à nouveau défendre leurs théories.
Non pas que je ne respecte pas les jeunes gens qui s'y retrouvent, ni même ceux qui y militent - pour certains, le terme n'est pas usurpé -, ou que je sois insensible à la souffrance ou aux interrogations qu'ils expriment, mais il n'y a qu'à s'intéresser un tout petit peu aux discours des membres fondateurs de cette association pour se rendre compte que leurs positions sont extrêmement tranchées, pas seulement sur la question de l'anonymat.

Mme Bachelot a donc considéré que ces quelques témoignages suffisaient à balayer d'un revers de la main les conclusions des plus éminents spécialistes de la question ? Cette femme fonctionne décidément à l'émotion, mais émotion n'est pas raison.

Les enfants du don qui s'interrogent sur leurs "origines" sont loin d'être tous d'accord sur ce qu'ils auraient besoin de savoir pour peut-être - et le "peut-être" a son importance - trouver la paix. Alors on fait quoi ? Certains souhaitent une rencontre, d'autres juste savoir à quoi ressemble le donneur, ou simplement savoir pour quelles raisons il a donné.

Le double guichet instaurerait une discrimination, c'est vrai, mais ça n'est pas ça qui, moi, me gêne le plus, ne serait-ce que parce la notion de discrimination existe déjà. Elle existe entre ceux qui savent, et ceux qui ne savent pas. Elle existe entre ceux qui ont été conçus en France, et ceux qui ont été conçus à l'étranger. Elle existe parce que dans le cas d'enfants conçus à l'étranger, les parents ont parfois quelques informations sur le donneur/ la donneuse. Elle existe aussi par le fait que les parents de certaines fratries savent si leurs enfants ont été conçus grâce au même donneur, alors que d'autres non. ( Certes, un test génétique, et la réponse est là ; n'empêche, encore faut-il franchir le pas ).

Ce qui m'ennuie davantage, c'est ce qui va se passer dans la tête des enfants à qui on va dire que peut-être ...
Dans la tête du jeune Arthur, de PMA, et dans celle de ses amis. Comment vont-ils réagir, si, une fois leur souhait plus ou moins exaucé, ils réalisent que leurs questions sont toujours aussi vives, voire plus ? Que d'énergie dépensée, que d'espoir déçu !
Que feront-ils alors ? Souhaiteront-ils aller plus loin ? Et comment ?
Et si on leur dit que le donneur a refusé que des informations leur soient communiquées ? Là encore, difficile de prévoir comment on pourrait réagir avant d'être confronté à la situation.

Et les autres, ceux qui vont bien, ceux qui ont appris à vivre avec, et qui risquent de voir voler en éclats les repères qu'ils s'étaient patiemment construits, est-ce que quelqu'un a pensé à eux ?

Et les donneurs, dont vous êtes, qui, en donnant, ont accepté le fait qu'ils ne sauraient jamais ce qu'il est advenu de leur don, et qu'on va venir trouver en leur expliquant qu'un jeune garçon de 19 ans souhaite obtenir des informations ?
D'autant qu'après, comme vous l'expliquez très bien, l'alternative est simple : soit dire oui, et accepter de fait d'entrer dans un processus hasardeux pour chacun des protagonistes, avec les risques que tous aillent plus mal après qu'avant, soit dire non, et endosser de fait le rôle du méchant, tout en continuant à essayer de vivre comme si de rien n'était, en sachant non seulement qu'un ou plusieurs enfants sont bien nés de votre don, mais en plus qu'il est ( / qu'ils sont ) potentiellement en souffrance.
Bref, un choix perdant / perdant, alors qu'il était question d'un geste purement altruiste, gratuit, désintéressé.

Toutes les personnes qui se sont un tant soit peu penchées sur la question s'accordent à dire que la problématique des enfants du don est différente de celle des enfants adoptés. Parce qu'il n'y a pas d'"avant", pas d'autres parents. Pas d'abandon, donc pas de rupture ou de déchirure.

Il y a un âge où on cherche tous à savoir qui l'on est, d'où l'on vient, à qui l'on ressemble, qui l'on est vraiment, qui l'on va devenir. Savoir qu'on a été conçu grâce à un don exacerbe forcément ces questionnements, et leur donne un vecteur, un support. Comment ne pas nourrir alors le fantasme selon lequel obtenir des informations sur "notre" donneur nous aidera à y avoir plus clair dans nos interrogations existentielles ?
Et puis il y a un âge où on comprend que le plus important, c'est quel être humain on a envie d'être, au-delà de toute considération moléculaire ou génétique.
Le passage de l'un à l'autre de ces états peut être plus ou moins difficile selon les individus, et ce pour tout un tas de raisons, mais il implique pour tout un chacun des renoncements, l'acceptation du fait qu'on ne peut ni tout connaître, ni tout maîtriser, et que c'est probablement mieux comme ça ...

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Vous êtes décidément, pour beaucoup, à côté de la plaque!

Albertine la première.

Rassurez-vous, chère Albertine, je ne vous considère pas comme ma mère, pas plus que je ne considérerais votre mari comme mon père, même s'il devait s'avérer être le donneur à l'origine de ma conception. C'est vraiment vous donner beaucoup trop d'importance que de croire que vous pourriez un jour avoir à nos yeux cette valeur.

Cela étant, je comprends votre inquiétude. L'idée ayant déjà été largement répandue dans certains médias qu'un jour un enfant se présente à votre porte et vous appelle "maman" ou "papa".

Telle n'est pas ma quête, pas plus qu'elle n'est celle de toutes les personnes conçues à l'aide d'un don que j'ai côtoyées.

Nous ne souhaitons pas établir ou nouer une relation durable avec notre donneur que nous ne considérons pas comme notre père ou notre mère, mais seulement voir son visage pour savoir ce qui constitue notre singularité et notre appartenance à l'humanité. A défaut, pouvoir nous le représenter et en toutes hypothèses, connaitre ses antécédents médicaux véritables et non tels qu'ils figurent dans le dossier CECOS c'est à dire figé à J-plusieurs années!

Vous qui mettez si bien en avant "le droit à l'enfant" dans votre Tribune, sachez qu'en ce qui me concerne, le fait de ne pas pouvoir être apaisée par ce simple échange d'adulte à adulte, m'empêche de poursuivre ma vie et d'envisager précisément de me reproduire.

Votre "entrée en résistance" que je n'hésite pas à qualifier d'égoïste, pourrait avoir pour conséquence de m'empêcher de connaître un jour la joie dont vous parlez (certes uniquement au sujet de votre dernier enfant, ce qu'entre parenthèses, je trouve très indélicat pour les autres) d'avoir un enfant.

Je n'ai aucune obsession si ce n'est d'essayer de continuer de vivre et de poursuivre ma vie de femme, de bâtir un projet parental en sachant d'où je viens.

Je n'ai aucun problème relationnel avec mes parents, que je ne voudrais remplacer pour rien au monde.

A ce sujet d'ailleurs, je pense que vous devriez adapter vos conseils sur l'éducation à cette réalité: notre éducation est terminée. Nous sommes des adultes au même titre que vous.

Pensez-vous sincèrement, tel que vous l'écrivez, que votre don n'est pas à l'origine de notre naissance?

Il y a bien longtemps que je sais, moi, que les filles ne naissent pas dans les roses et les garçons dans les choux. En niant la réalité de votre intervention dans notre conception, pardonnez moi, mais je trouve que vous vous comportez comme une enfant, qui nie une réalité simple et qui n'a rien de honteux.

Vous pensez peut-être, comme beaucoup de catholiques, que je ne suis que l'enfant de Dieu... Si tel est le cas, ayez en tête que donner ses gamètes, n'est pas du même ordre qu'aider un aveugle à traverser la rue, ce que j'imagine, compte tenu de vos propos, vous faites volontiers pour vous donner bonne conscience...Ce qui vous permet, au passage, de vous valoriser car vous, vous avez la chance de ne pas être aveugle! De même que vos enfants sont normaux et n'ont qu'accepter "l'inéluctabilité de la mort" alors qu'en ce qui nous concerne nous avons bien plus à accepter: la vie (en aveugle).

Toutes les personnes conçues avec tiers donneurs que je connais sont des adultes responsables et réfléchis qui, tous, mesurent bien qu'une levée de l'anonymat rétroactive (c'est à dire sans solliciter le consentement des donneurs d'antan) serait profondément injuste.

Cela étant vous dites vous-même que si vous aviez su, vous n'auriez pas donné.

Force est de conclure dès lors, que lorsque vous avez consenti au don, votre consentement n'était pas véritablement éclairé car jamais il n'a été dit que ce don n'était pas anodin et que ces enfants, plus tard, seraient susceptibles de se poser des questions.

Vous accréditez d'ailleurs cette thèse puisque vous estimez avoir donné un consentement éclairé en prenant en compte votre intérêt de donneur et celui du couple receveur. Vous avez donc oublié un intérêt, puisqu'il ne s'agit pas d'une relation duale mais tripartite: celui de l'enfant.

Il n'y a donc rien de choquant, au contraire, dans le fait de solliciter aujourd'hui votre consentement, cette fois, en pleine connaissance de cause.

Vous osez parler de "trahison" au motif que l'on vous demande votre avis? Au contraire, ne pas le solliciter serait vous trahir. Vous poser une simple question serait-il si déstabilisant qu'il constituerait le drame de votre vie?

Quant à toutes ces personnes qui parlent de rétroactivité, je vous en prie, le droit est une matière complexe, ne vous appropriez pas des termes que vous ne maîtrisez pas.

Une loi est toujours d'application immédiate dès le lendemain de sa publication au journal officiel.

Seules certaines lois sont assorties de dispositions transitoires ou applicables à des situations passées.

Il n'y a aucune rétroactivité tel que le projet de loi est conçu puisque votre anonymat ne sera pas annulé rétroactivement, vous aurez été et resterez anonyme, jusqu'à ce que vous en décidiez autrement, POUR L'AVENIR.

C'est très exactement ce qui a été retenu en matière d'accouchement sous X et je pense, chère Albertine, que vous n'avez pas autant souffert que certaines de ces femmes qui ont accouché sous x et qui, elles, n'avaient pas le choix.

Enfin, naturellement, je précise que je ne suis pas contre l'assistance médicale à la procréation puisque, par définition, sans elle, je n'aurai pas vu le jour.

Pour autant doit-on comme vous le dites, considérer que nous sommes un cadeau, grâce à vous, fait à nos parents?

Je ne le crois pas, nous parlons d'êtres humains et non pas du dernier CD ou DVD qu'on offre en cadeau à noël!

Nous devrions nous contenter d'apprécier d'être en vie?
Comme vos enfants, nous n'avons pas consenti à ce mode de conception, nous le subissons et nous n'aurions jamais eu à le subir si vous n'aviez pas favorisé notre venue au monde.

Le fait est que maintenant nous sommes là, alors que fait-on?
Devons-nous, comme vous le suggérez, souffrir en silence et ne pas nous exprimer alors que nous avons précisément les moyens de mettre en avant les bénéfices de l'AMP et dans le même temps, de suggérer les correctifs qu'il convient d'y apporter, pour qu'elle perdure dans des conditions qui respectent l'intérêt de toutes les parties en présence?

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Cher IAD,

Vous engagez-vous solennellement, si votre donneur ne veut pas lever son anonymat, à en rester là et à ne pas chercher à le faire plier, par exemple en invoquant le caractère discriminatoire d'une levée laissée au choix du donneur ? Si oui, ce serait une bonne idée de l'indiquer clairement sur le site de PMA.

Cordialement,

Albertine

P.S. Je vous serais reconnaissante de m'épargner vos remarques sur l'amour que je porte à mes enfants. Cela ne fait qu'illustrer votre bêtise.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Je regrette mon PS ci-dessus et vous prie de m'en excuser. Mais vous reconnaitrez que votre remarque sur la joie à la naissance de notre dernier enfant n'était pas très fine.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Je regrette mon PS ci-dessus, et vous prie de m'en excuser. Mais vous reconnaitrez que votre remarque sur la joie que nous avons eu à la naissance de notre dernier enfant n'était pas très fine.

Albertine

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Chère IAD,

Faites moi grâce s'il vous plait de vos prières quant à l'expression de mon avis sur le droit. Ce n'est peut-être pas celui d'un professionnel, certes. Mais je me targue de connaître suffisamment la politique pour savoir que le décalage entre les déclarations d'un(e) responsable politique, un projet de loi et la loi telle qu'elle sera appliquée au final sont parfois grand set destinés à faire passer des messages à leur électorat.

D'autre part, puisque vous demandez et revendiquez le fait d'être traitée en adulte : permettez-moi de remarquer que vous raisonnez parfois avec la simplicité d'esprit d'un enfant :
Evitez donc pour commencer les jugements de valeurs : selon vous Albertine, se réjouit d'aider les aveugles à traverser la route pour mieux savourer d'avoir ainsi la vue. L'assertion, en plus d'être relativement méprisante, est assez limite puisqu'en poussant votre logique jusqu'à son extrémité, seuls les borgnes pourraient moralement aider les mal-voyants à se rendre de l'autre côté de la chaussée et nos villes seraient peuplées de hordes de myopes égoïstes qui combleraient quelques blessures secrètes en faisant semblant d'être serviables.

L'exemple est évidemment tiré par les cheveux. Mais d'autres arguments de votre discours ont la même spéciosité : le parallèle que vous établissez entre votre situation et celle des enfants nés sous X est particulièrement dérangeant. Je ne pense pas que le fait que vous fassiez une distinction entre votre mère (la femme dans l'utérus de laquelle vous avez grandi) et votre mère biologique (celle qui a donné l'ovocyte) ait quoi que ce soit à voir avec la situation d'un enfant né sous X (pour qui ces deux femmes sont la même personne et qui vivent une sitation bien plus complexe). Si le témoignage est éclairant dans le cadre d'un problème d'éthique, le recours à l'émotion via des parallèles douteux est non seulement inefficace mais il discrédite aussi les autres arguments de votre discours.

Les questions que j'ai envie de vous poser sont assez simples :
- Vous rendez-vous compte que le travail de lobbying de PMA est clairement en faveur d'une levée totale de l'anonymat ?
- Mesurez-vous que cet objectif aurait pour conséquences une réduction plus qu'inquiétante du nombre de donneurs et réduirait, de fait, les conceptions d'enfants grâce à une IAD ?
- Quel modèle substituriez-vous en lieu et place du don anonyme et gratuit ? Il convient de proposer un système qui permette de garantir un taux d'embryon donnés suffisamment élevé, d'éviter les éventuelles poursuites judiciaires vis à vis du donneur en cas de maladie grave (et supposément génétique) déclarée après que sa détection ait été techniquement possible avant don, etc ...

Enfin pour conclure, je tiens à signaler que ni vous, ni moi, ni qui que ce soit sur cette planète n'a consenti à la manière dont il a été conçu. Que ce soit via une IAD, un ébat furtif sur un coin de table, une adultère ou une étreinte aussi passionnée que bienséante et romantique. Chacun d'entre nous doit faire avec pour construire son désir d'avoir un enfant et ce sans nécessairement avoir besoin d'étudier soigneusement le cariotype de ses géniteurs.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Cher laborantin,

Je prends note que vous connaissez bien la politique et vous remercie pour vos conseils sur la façon dont je devrais orienter mon « discours » mais sachez que j’ai écrit ce post avec mon cœur uniquement et non à des fins politiciennes ou de lobbying.

Mon exemple sur les aveugles que vous feignez ne pas comprendre, tendait seulement à illustrer qu’à la différence de personnes véritablement altruistes, qui donnent dans l’objectif de faire le bien, Albertine se fiche manifestement de savoir si son geste et son refus catégorique actuel de permettre aux enfants issus de son don d’obtenir une quelconque information sur elle, a eu des conséquences heureuses ou malheureuses.

Le travail de l’association PMA, que je connais naturellement, vise, en effet, à terme, à faire en sorte que les FUTURS donneurs, en même temps qu’ils consentent au don, sachent par avance que leur seule responsabilité liée à ce geste, sera que leur identité puisse être dévoilée, si un enfant issu de ce don, en fait la demande à l’âge de 18 ans.

Ce consentement préalable permettra d’éviter l’inquiétude dont témoigne Albertine qui n’a pas donné dans ces conditions et ne l’aurait peut-être pas fait si cette condition avait été posée.

L’association PMA, pas plus que moi, ne militons pour que l’on impose aux donneurs d’antan, une levée de leur anonymat sans leur consentement.

Le fait qu’un éventuel refus de la part de mon donneur me soit préjudiciable est une autre affaire.

Pour autant, il ne me viendrait jamais à l’esprit de mettre en cause la responsabilité de cette personne puisqu’elle n’a pas été informée de cet élément lorsque son consentement au don a été recueilli.

Je mesure, chiffres à l’appui, que la levée de l’anonymat n’induit pas, contrairement à ce que prétendez, une baisse du nombre de donneurs.

Suède :
« En 1984, la Suède a été le premier pays au monde à voter une loi donnant aux enfants conçus avec le concours d’un donneur de sperme le droit de connaître son identité. Lors de son entrée en vigueur, le nombre de donneurs avait brutalement baissé. « Mais il était revenu au même niveau un an plus tard, avec des gens différents » constate le docteur Claes Gottlieb, responsable de la clinique de fertilité Sophiahemmet à Stockholm, et coauteur d’un rapport de suivi de ce texte » (extrait du journal Le Monde du 6 octobre 2010.

Royaume-Uni :
Sachant que la levée l’anonymat des donneurs est intervenue en 2005, le nombre de donneurs par année est le suivant :
Year Sperm donors
1992 346
1993 422
1994 417
1995 412
1996 417
1997 342
1998 254
1999 298
2000 312
2001 315
2002 275
2003 248
2004 224
2005 251
2006 287
2007 366
2008 396
http://www.hfea.gov.uk/3411.html.

J’ajoute pour ma part, que même si la levée de l’anonymat devait induire une baisse du nombre de donneurs, votre logique de « rendement » me semble particulièrement choquante. Encore une fois, des vies sont derrière tout ça, nous ne parlons pas de fabrication de véhicules automobiles.

Faut-il vouloir faire beaucoup d’enfants à tout prix ou un peu moins mais qui l’on permette de ne pas pâtir de ce mode de conception et de vivre une vie épanouie ?
Enfin, je vous parle de « visage », vous me répondez «caryotype ».

Décidemment, nous ne parlons pas le même langage.

Je m’en vais donc consacrer mon énergie à des choses plus constructives.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Tout est rétabli, comme par magie!
c'est pratique d'avoir plusieurs adresses mails :)

Vos messages peuvent mettre quelques petites minutes à apparaîtr

IAD,

Il y a un petit soucis avec le site (une histoire de mise en mémoire cache que je n'ai pas encore réglée). Il arrive donc qu'il y ait un délai avant qu'un message n'apparaisse. Désolé de ce désagrément. Mais il n'y a absolument pas de manoeuvre visant à ne publier que certains points de vue et pas d'autres. Ce n'est pas du tout l'état d'esprit de Sciences et Démocratie. Merci de votre compréhension.

Le respect de l'autre avant tout

Bonjour à tous,

Merci de vos messages et du temps que vous consacrez à partager vos réflexions.
Merci notamment à IAD d'être venu exposer ses arguments. Je suis ravi pour le débat qu'un contradicteur ait rejoint la discussion.

Je n'ai pas encore eu le temps de lire les derniers messages et ne vais pas le faire à cette heure tardive. Je note cependant que certaines formules n'ont pas leur place dans un dialogue respectueux. Je ne cherche pas à savoir qui a commencé, qui a tord ou raison... J'interviens simplement pour rappeler une règle essentielle : se respecter les uns les autres malgré nos points de vue différents. L'important ici est d'exposer ses arguments et d'étudier les arguments des uns et des autres pour permettre à chacun de se construire une meilleure compréhension du sujet.
J'espère que vous en tiendrez compte dans la suite des échanges.

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Je trouve effectivement fort dommage que la discussion emprunte ce tour quelque peu déroutant, alors que nous aurions tant à apprendre les uns des autres, si nous prenions la peine de nous écouter.

N'empêche, IAD, que votre discours me paraît parfois quelque peu déroutant.

Par exemple, vous demandez qu'on prenne en compte le fait que vous vous exprimez "avec votre coeur", mais ne semblez pas prête à adopter la même attitude vis-à-vis des propos des autres.
Ainsi, moi aussi, j'ai été un peu déconcertée par le fait qu'Albertine utilise des notions comme celle de reconnaissance. Autant, pour ce qui me concerne, je conçois que des "receveurs" puissent être reconnaissants vis-à-vis des donneurs, autant j'espère que personne n'attend des "enfants du don" qu'ils grandissent avec l'idée qu'ils devraient être perpétuellement reconnaissants vis-à-vis de personnes qu'ils ne connaissent même pas - et quand bien même ils les connaîtraient d'ailleurs.
Mais bon, là n'est pas, selon moi, le contenu essentiel de son message ; alors pourquoi ne pas avoir pour les autres l'indulgence que vous réclamez pour vous-même ?

Autre point, vous dîtes à un moment qu'elle "se donne trop d'importance", puis laissez entendre qu'elle sous-estime le fait d'être à l'origine de la conception des enfants nés éventuellement de son don. Ce raisonnement me paraît un peu contradictoire.
En outre, il ne me semble pas que son propos soit suffisamment simpliste pour qu'elle s'imagine qu'un enfant sonnera demain à sa porte en l'appelant maman. Ses craintes et ses interrogations - de même que les miennes vis-à-vis de mes enfants - sont bien plus complexes, et elle les a très bien exprimées. Vous réagissez comme si vous n'aviez pas lu ou pas compris ses propos.

Je n'ai pas compris votre allusion au catholicisme ; je ne vois ni sur quoi vous vous fondez, ni ce qu'elle vient faire dans l'histoire.

Vous laissez entendre qu'Albertine - et, par là même apparemment, tous les donneurs anonymes - ne serait pas quelqu'un d'altruiste.
Pour ce qui me concerne, une personne qui entre dans ce processus en acceptant de ne jamais savoir quelles ont été les conséquences de son don est véritablement quelqu'un d'altruiste et désintéressé, qu'on ne peut en aucun cas soupçonner d'avoir l'intention d'interférer plus tard de quelque manière que ce soit dans la vie d'une famille avec laquelle elle n'aurait pas grand chose à voir. Je ne suis pas certaine que les donneurs qui pourraient se manifester si l'anonymat venait à être levé seraient tout aussi désintéressés et bien intentionnés.

Vous dîtes ce que n'est pas votre quête ; vous ne dîtes pas véritablement ce qu'elle est. Vous arguez qu'on vous répond caryotype quand vous parlez visage ; pourtant, vous parlez d'antécédents médicaux !
Personnellement, bien que conçue le plus naturellement du monde - enfin je ne peux que le supposer -, je n'ai pas l'impression de connaître les antécédents médicaux de mes parents, ni même leur caryotype. Les soucis de santé de mes parents n'alimentent pas nos conversations, et je n'ai jamais pensé que mon avenir, fût-il médical, était inscrit dans mes gènes.

Sincèrement, ça me désole que nous soyons en train de nous opposer, alors que, fondamentalement, nous nous posons des questions assez similaires. Bien sûr que vous avez voix au chapitre, personne ne vous le conteste, puisque vous êtes parmi les tout premiers concernés. Mais pourquoi donner l'impression de ne pas vouloir écouter la parole des gens qui ne pensent pas forcément exactement comme vous, et de les mépriser ?

Vous partez d'une situation qui vous pose un problème, ce que je conçois tout-à-fait. Simplement, vous n'avez pas les moyens d'évaluer comment les choses se seraient passées pour vous si "votre" donneur n'avait pas été anonyme. Si "votre" donneur n'avait pas été anonyme, est-ce qu'il aurait donné ? Si "votre" donneur n'avait pas été anonyme, est-ce que vos parents auraient eu recours à ce don ? Si oui, comment se seraient-ils comportés vis-à-vis de vous ? Comment l'auraient-ils vécu ? Peut-être vous auraient-ils tout simplement caché votre mode de conception, qu'en savez-vous ? Savent-il seulement eux-mêmes ce qu'ils auraient choisi de faire, et comment la peur de l'avenir aurait ou pas influé sur leur comportement vis-à-vis de vous ?
Alors les conséquences d'une éventuellement levée de l'anonymat pour les enfants du don, vivants ou à naître, non, je pense que vous ne les maîtrisez pas plus que moi ou que n'importe qui.

Parce que ce que je crois, moi, c'est que tous autant que nous sommes, nous souhaitons le bonheur de nos enfants. Que tous autant que nous sommes, nous sommes de petits êtres humains imparfaits, parfois inquiets, parfois égoïstes, et pas forcément toujours très bien avisés. Mais que tous autant que nous sommes, si nous étions absolument convaincus que tous les enfants du don iraient mieux si on levait demain l'anonymat, alors nous serions tous prêts à l'envisager ; mais tel n'est pas le cas.

Bonne soirée à chacun(e) ...

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Ma femme et moi sommes parents d’une petite Anna née par don de sperme et nous ne comprenons pas l’acharnement de Mme Bachelot à faire lever l’anonymat des dons de gamètes. En effet, Mme Bachelot vient d'annoncer, en contradiction avec la proposition du rapport Leonetti, la levée de l'anonymat des donneurs. Cette mesure serait même rétroactive !!! Nous sommes bouleversés par cette annonce.
A quoi cela sert-il de demander un rapport parlementaire si c’est pour proposer le contraire ?
Cela voudrait-il dire que les députés qui ont travaillé de longue date sur ce dossier en rencontrant toutes les parties concernées pour enfin produire leur rapport ne sont pas compétents ?

Lorsque nous nous sommes engagés dans cette aventure, nous l’avons fait en sachant que les dons étaient anonymes. Nous ne l’aurions certainement pas fait si ce n’avait pas été le cas. Tout simplement parce que nous aspirons à être une famille comme les autres avec un enfant, une maman et un papa et pas une entité composée d’un enfant, d’une maman ,d’un papa et d’une quatrième personne que l’on ne serait où placer.

Quel est l’intérêt de cette levée d’anonymat ?
Mettre dans la tête des enfants que les pères qui sont là depuis leur conception jusqu’à l’âge adulte ne sont pas suffisants ? Ne sont pas complètement leur père ?
J’affirme le contraire !!
Je suis le seul et unique père de ma fille. Et comme tout bon père, je suis là pour son bien-être et je fais de mon mieux pour qu’elle soit la plus épanouie possible. Alors de quel droit voudrait-on m’enlever une part de cette paternité qui m’est si chère ?
Donne-t-on le nom du donneur à un greffer du cœur ? N’est-on plus une personne à part entière lorsque l’on est receveur d’un don de rein ? Et en cas de transfusion sanguine, annonce-t-on les noms des personnes qui ont offert leur sang généreusement ?
Heureusement non. Alors pourquoi faire le contraire avec nos enfants ?

Nous sommes d’autant plus inquiets qu’un de nos amis, suite à nos problèmes de procréation est allé faire un don de sperme au CECOS. Car oui, nos familles et nos amis sont tous au courant de notre histoire et nous ont toujours soutenus dans notre démarche.
Dans quelle situation mettez-vous notre ami ? Et quelle culpabilité pour nous de l’avoir engagé dans ce qui était tout d’abord une belle histoire (le don d’un couple qui a des enfants à d’autres couples inconnus qui ne peuvent en avoir sans l’aide de la médecine et de la gentillesse désintéressée des donneurs) qui pourrait se transformer en cauchemar si cette loi passait !

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...

Réponse à Luc :

Ne soyez pas révolté contre cette nouvelle loi !
A la naissance de cette loi, toutes les parties ont été entendues, sauf la voix de l'enfant, pourtant au coeur de l'histoire. Enfin, aujourd'hui il a été compris et entendu par des personnes ayant un minimum d'empathie : mettez-vous une seconde à la place de votre petite anna d'ici quelques années. Comment auriez-vous grandit sans connaître votre histoire, votre passé, connaître votre géniteur, votre sang biologique?

Une chose est sûre : vous êtes et vous resterez toujours le seul et unique père de votre enfant! Jamais au grand jamais, on ne vous retirera cette paternité : je comprends une part de souffrance et de colère que de ne pas pouvoir donner la vie. Mes parents sont passés par là, et je suis leur unique fille. Mais parlez en avec votre fille, un enfant comprend toujours et sait qui sont ses véritables parents.

Votre témoignage me touche beaucoup car il est proche de celui de mon père, mon seul et unique qui me suffit largement ! Un père j'en ai un unique! un géniteur je n'en n'ai pas...

Mon père également se voulait une famille comme les autres : surtout ne rien dire, un secret sur les conseils des médecins. Mais Luc, je vous parle comme je souhaiterais parler à mon père : "non, nous ne sommes pas comme les autres, ce qui ne change rien à ce que tu es MON père. Mais, il faut juste que tu acceptes ce mode de conception, pour que moi je puisses également avancer comme ta fille. Car refuser cette 4ème personne dans la famille, est un peu comme si tu refusais une partie de moi" Jamais mon père ne m'a parlé de son infertilité : un tabou à tout jamais pour lui.

Rencontrer mon géniteur permetterait de crever cet abcès : "Tu vois papa, je l'ai rencontré, mais rien n'a changé pour nous. Il m'a juste permis de combler ce vide pour avancer dans ma vie."

Ma seule peur est de grandir sans pouvoir rencontrer cette personne qui m'a fait ce don de vie, à l'origine de mes parents bien évidemment à qui je suis encore plus redevable! Mais simplement lui dire merci!
L'AMP est une chance, mais l'humain doit être supérieur : par quel droit digne de l'humanité et du respect de l'enfant peut-on refuser de me donner mes origines?

Et s'il vous plaît ne comparez pas les autres dons au secours de la vie(aussi merveilleux soient-ils) au don de VIE ! C'est un bébé dont on vous fait don, le don de VOTRE enfant : vous voulez le meilleur comme tous les pères pour votre fille, comprenez alors que savoir d'où vient son sang, son histoire est un socle de vie lorsqu'on quitte un cocon famillial.

Quant à votre ami, il a fait un geste magnifique, un geste responsable et réfléchi : il fait preuve de générosité et de raison : oui, il donnera naissance à des enfants qui un jour voudront lui dire merci pour la vie et merci d'avoir donner la parentalité à sa mère et à son père, merci d'avoir concrétisé cet amour... mais rien de plus! Tout comme lui, ces enfants (futurs adultes) ont une histoire, et en donnant son sperme il a pris conscience qu'il fait parti de celle-ci! Un don de sperme n'est pas un don anodin!

Se mettre à la place de l'autre fait réfléchir... un jour l'enfant devient adulte, avec des questions d'adulte !

Anne, ex-enfant iad, à présent adulte iad.

Levée de l'anonymat : une synthèse de notre débat

Bonjour à tous,

Nous venons de publier sur le blog un nouveau billet qui fait la synthèse de la discussion ci-dessus.

Un grand merci à Audrey pour ce beau travail.

Bonne lecture !

Re: Tribune contre la levée de l'anonymat sur le don de ...