EUROPE - Echec de la tentative de réglementation des nanotechnologies dans l'alimentation

MEPs call for ban on food from cloned animals

Pour que le développement des nanotechnologies soit assorti d'une évaluation des risques et d'une information suffisantes, la réglementation européenne doit évoluer. De nombreux domaines sont concernés : produits chimiques, cosmétiques, médecine... C'est un chantier long et complexe, initié il y a plusieurs années maintenant. Et concernant les nanotechnologies dans l'alimentation, il faudra encore attendre.

[Ce texte a été publié initialement sur le site EnjeuxNanos.fr le 1er avril 2011, sous licence CC by-sa.]

Un vide juridique que le Parlement européen souhaitait combler

Il n'existe jusqu'à présent aucune réglementation sur les nanos dans les aliments et les emballages alimentaires, mais des progrès étaient attendus au niveau européen. En juillet dernier, les députés européens avaient demandé que les aliments incorporant des nanomatériaux ou ayant été produits via des procédés utilisant des nanotechnologies fassent l'objet de tests spécifiques d'innocuité avant leur commercialisation, afin de prévenir les risques éventuels. Le Parlement européen avait également demandé que chaque nanomatériau incorporé dans l'aliment soit mentionné sur l'étiquetage1.

Ces demandes avaient été intégrées sous forme d'amendements à la proposition de nouveau Réglement sur les "Nouveaux Aliments" (Novel Foods), qui devait remplacer celui de 1997 : cette proposition traitait également d'autres aspects liés à l'alimentation, mais vient d'être enterrée à cause d'un désaccord entre institutions européennes sur la question de la viande clonée.

La réglementation des nanos dans l'alimentation sacrifiée sur l'autel du clonage

Lors de l'examen du texte, ce sont en effet sur les aliments issus d'animaux clonés et de leurs descendants que s'est concentrée la polémique entre la Commission et le Conseil d'un côté et le Parlement de l'autre ; de fait le sujet "nano" a été à peine évoqué lors de la procédure de conciliation entre les trois instances.

Mardi 29 mars, dernier jour de la procédure, malgré de longues tractations, les parties ne sont pas parvenues à se mettre d'accord, aboutissant à un blocage de l'ensemble du texte. Conséquence de cette absence de compromis sur la viande clonée : aucune législation européenne sur les nanos dans l'alimentation ne devrait voir le jour dans les prochains mois, voire les prochaines années.

Déception des députés européens et des associations de protection de l'environnement

Le Président de la délégation du Parlement européen Gianni Pittella et le rapporteur du Parlement européen sur les nouveaux aliments Kartika Liotard regrettent que la mise en place de "mesures particulières concernant les nanomatériaux dans les aliments" soit ainsi rendue impossible.2.

Le Bureau européen de l'environnement (BEE) - qui fédère plus de 140 ONG dans 31 pays et milite pour un encadrement des nanos - déplore lui aussi que trois ans de discussions et travaux autour du réglement Novel Foods se soldent par un tel échec alors que des études ont mis en évidence des risques potentiels. Le BEE réclame instamment un moratoire tant que les procédures de test rigoureuses n'auront pas été définies3.

Et maintenant ?

Le règlement actuel sur les Nouveaux Aliments adopté en 1997 reste en vigueur. Au niveau européen, l'industrie agro-alimentaire peut donc continuer à utiliser des nanomatériaux dans l'alimentation sans en informer les consommateurs ni réaliser de tests pour en évaluer les risques.

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Nanotechnologies et alimentation : un rappel

Petit rappel pour ceux qui découvrent le sujet "nanotechnologies et alimentation" :

Lors de la séance de clôture du débat national sur les nanotechnologies en février 2010, la question de savoir s'il y avait des nanotechnologies dans les aliments a été soulevée. La réponse qui a été donnée peut être résumée ainsi :

1. (version des industriels) "Non, il n'y en a pas. Sauf la silice alimentaire, autorisée comme additif alimentaire depuis longtemps et dont toutes les études ont montré l'innocuité".
Le dioxyde de silicium est en effet utilisé comme antiagglomérant sous le code E551 et sert à fluidifier les poudres alimentaires (sel, cacao...). On trouve également du dioxyde de titane.
"Sauf également certains emballages comportant de l'argile nanométrique comme barrière ou du nanoargent, antibactérien"...

2. (version de l'administration) "Si des nanoparticules sont utilisées, elles forment en réalité des aggrégats d'une taille supérieure à 100 nanomètres, et toute la question est de savoir si ce critère de taille est suffisant pour écarter un risque pour la santé."
Ce qui renvoie à la question de la définition des nanomatériaux, laquelle est encore en discussion en Europe comme le montre ce résumé de la conférence internationale Safety for Success Dialogue qui s'est tenue à la Commission européenne la semaine dernière.

La route sera encore longue...