Recherche de financements, tâches administratives, publications dans les revues, enseignement... nombreuses sont les activités qui détournent le chercheur de sa mission première et/ou qui ne sont pas prises en compte pour son avancement. Ces contraintes engendrent frustation, démotivation, voire désengagement, qui se surajoutent à la déjà préoccupante désaffection des étudiants pour les filières scientifiques. Où en sont les réflexions sur ce système ?
Merci par avance de vos témoignages et de vos suggestions de lecture.
Commentaires
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Re: Quels remèdes à la crise des vocations en sciences ?
Je ne peux que parler de cette partie du problème :
« qui se surajoutent à la déjà préoccupante désaffection des étudiants pour les filières scientifiques. »
Je vais commencer une thèse et si un jeune lycéen/étudiant vient me demander « la recherche ça à l’air sympa, je me lancerais bien dedans ». Je me devrais de lui dire la vérité à savoir qu’on dépasse les 50 heures de travail par semaine avec un salaire qui ne suit absolument pas et le tout sans considération gouvernementale. Donc il est clair et faut être honnête que se lancer dans des études longues pour ça, ça ne vaut pas le coup, sauf par passion.
Allez me trouver des personnes motivées pour venir bosser certains week-end/soir gratuitement ? Bosser +50h par semaine sans être payer plus ? Se farcir plusieurs années d’études pendant que ses potes ont un boulot et commence a s’installer ? Enchaîner des post-docs sans savoir dans quel pays ont atterrira ? Il y a évidement des points positifs à faire de la recherche, mais la contrepartie est tout de même lourde et si la motivation et la passion ne suivent pas, cela peut en décourager plus d’un. Donc je comprends entièrement cette désaffection des étudiants pour les filières scientifiques.
Finalement je n’ai pas de remède miracle ni de solution à ça. Mais il serait temps d’essayer d’améliorer certain des points que j’ai cité, notamment la considération et les salaires. Puis aussi de sensibiliser le publique a ce qu’est réellement la recherche, car des phrases du type « Chercher c’est bien, mais faudrait peut être trouver !» que j’ai pu entendre ou lire, sont assez choquantes et reflète une méconnaissance (donc négligence) du domaine.
Désaffection des filières scientifiques : les causes
Bonjour Helran,
Merci pour ton témoignage. On comprend aisément que la perspective de ne pouvoir se fixer la trentaine approchant en dissuade plus d'un.
Une note de 2006 du Centre d'analyse stratégique (organisme rattaché au Premier ministre) indique également : "la désaffection pour les filières scientifiques en France touche avant tout le cursus Licence des filières Sciences à l’université. Elle reflète une préférence de plus en plus nette des étudiants pour les filières sélectives et professionnalisantes, à effectifs réduits, avec un taux d’encadrement élevé et délivrant des diplômes reconnus."
Pour info, toujours selon cette note, le nombre de bacheliers S est constant mais la proportion qui s'engage dans des études scientifiques à l’université a chuté entre 1995 et 2005 de 39,9 % à 22,8 %.
Re: Quels remèdes à la crise des vocations en sciences ?
Finalement c'est le reflet de ce que j'ai dit. Les jeunes veulent aller bosser et se poser le plus tôt, alors que la fac sert à former des enseignants chercheurs et quand on voit les conditions dans lesquels ils bossent ou pour y parvenir (cf mon commentaire précédent). Je comprends tout à fait cette désaffection.
Puis il y a aussi une étiquette que les gens collent à l'université "fac = glandeur" ou pire "fac=dernier recours pour les études, enfin pour éviter de rien faire ou parce qu'on ne sait pas quoi faire d'autre".
Puis faudrait surtout expliquer plus tôt (lycée voir avant ?) le but premier de la fac, à savoir former des enseignants-chercheurs (sauf si je me trompe).
Re: Quels remèdes à la crise des vocations en sciences ?
> Finalement c'est le reflet de ce que j'ai dit.
Tout à fait. Avec un élément supplémentaire, peut-être : le besoin d'être mieux encadré qu'à la fac. Parce qu'on peut ajouter aussi : "fac = il faut une volonté de fer, je n'aurais personne pour venir me botter le train si j'ai la flemme de venir en amphi un matin parce que j'ai fait la bringue jusqu'à pas d'heure...". Et ça ça en refroidit plus d'un.
> Puis faudrait surtout expliquer plus tôt (lycée voir avant ?) le but premier de la fac, à savoir former des enseignants-chercheurs
La fac propose aussi des diplomes professionnalisants, les anciens DESS notamment, aujourd'hui fusionnés avec les DEA sous le terme de Master, depuis la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat).
Et qu'en est-il de l'avenir de ceux qui "échouent" par rapport à ce but premier ? Que deviennent-ils ? Sont-ils bien accompagnés pour se "recycler" ? Sur ce point, à mon avis, la fac se doit d'être plus rassurante. A-t-elle les arguments pour ça ? Quelle est la proportion d'étudiants avec un bac + 4 ou 5 voire une thèse qui se retrouvent à faire des boulots sans rapport avec leur cursus ?
Re: Quels remèdes à la crise des vocations en sciences ?
Avant de commencer, désolé si je fais un peu de HS et surtout pour l’orthographe et la syntaxe (j’ai un sérieux problème la dessus).
"le besoin d'être mieux encadré qu'à la fac"
Il est clairement évidement que se problème se pose. La première année j'avais un taux d'absentéisme assez élevé et je refais cette première année. Puis ce taux s'est réduit au fil des années pour être nul en Master car j'aimais les matières, la formation était très bonne et pédagogie. Bref je ne m'ennuyait pas. J’ai pu l’observer aussi chez des collègue de fac. Évidement les premières années sont indispensables même les matières les plus ennuyeuses afin de faire notre culture scientifique. Enfin le fait d’être en groupe réduit en master (une vingtaine) aide beaucoup. Par exemple on avait souvent des oraux et posters à faire en groupe, ce qui aide a ne pas glander.
Quel serait le remède a ça ?
Un encadrement plus poussé : je ne pense pas que ce soit faisable quand on voit qu'il y a 1000 étudiants en première année de bio. Puis certains disent que la fac sert aussi à rendre autonome. A prendre ses responsabilités et a se gérer. Finalement cela reviendrait à dire qu'on apprend à être "débrouillard" ? (une qualité qu’un chercheur doit avoir je pense) Cette débrouillardise (au sens très large du terme) peut-elle se développer dans lorsque l’on est entièrement encadrer ?
Le travail en labo (ou du moins dans le labo ou je suis) n’est pas le même que le travail en entreprise. Dans le premier on est autonome et on doit tout gérer nous même (temps, suivi et évolution des recherches etc), alors que dans le second on est entièrement encadre par des supérieurs qui disent quoi et quand faire.
« La fac propose aussi des diplômes professionnalisant »
C’est vrai je les avais oubliés. Ca n’empêche pas d’instaurer une bonne communication sur les types de diplômes que délivre la fac. Puis pourquoi pas à donner quelque infos sur le devenir des étudiants des filières générales et professionnalisant (je ne dis pas toutes en détails, mais quelque exemple pour avoir une véritable idée de ce à quoi les voix recherches et professionnelles même). Enfin et surtout de voir auprès des RH d’industrie s’ils connaissent et reconnaissent ces diplômes et s’ils n’hésitent pas à les embaucher en face d’un ingénieur ou de dut ?
« Et qu'en est-il de l'avenir de ceux qui "échouent" par rapport à ce but premier ? Que deviennent-ils ? Sont-ils bien accompagnés pour se "recycler" ? »
3 questions qui en soulèvent beaucoup plus.
1- Beaucoup d’étudiant en première année de fac s’y retrouve parce que, je cite « je ne sais pas quoi faire d’autre », « je ne sais pas » etc… phrases authentiques que j’ai pu entendre. Très rares sont ceux qui vont vous dire « j’aime la bio », « je veux faire de la recherche ». Encore une fois, le problème de l’orientation se pose. S’ils avaient été mieux informer avant la fac, seraient-ils allés en fac ?
2- Ca l’est peut être moins maintenant, mais avant les études courtes avaient mauvaises réputations. Les familles poussant les mômes à faire des études longues à coup de « fait des études et tu auras un bon salaire », voir pire. Encore une fois, le manque d’information et le « faut que je fasse plaisir à papa/maman » joue un rôle non négligeable (sûrement encore maintenant).
3- Faut il instaurer une sélection à l’entrée pour limiter ce problème ? Je pense que non, beaucoup de personne (dont moi) se sont réveillé en fin de licence, début master pour se mettre à réellement bosser pour avoir des notes « convenables ». Puis certain suite à l’échec dans un parcours, on finalement changer complètement de filières ou se sont tournés vers des bts/dut pour trouver enfin leur voie. Enfin, la sélection s’opère naturellement en fil des années de fac avec une réduction net du nombre d’étudiant d’année en année pour au final avoir une sélection proprement dit à l’entrée de master.
4- Je ne pense pas qu’ils soit accompagnés pour se recycler. Comme dit c’est réellement la débrouillardise à la fac. Parmi mes collègues de licences, plusieurs ont réussi à se recycler par eux même. Mais quand est-il des autres ?
« Quelle est la proportion d'étudiants avec un bac + 4 ou 5 voire une thèse qui se retrouvent à faire des boulots sans rapport avec leur cursus ? »
Je ne connais pas les chiffres mais il est évident que le problème se pose. Il serait intéressant d’avoir les chiffres par filières.
Je pense qu’il y a deux choses différentes, ce qui s’arrête en master et ce qui ne trouve rien après la thèse.
Pour ce qui s’arrête en master (recherche), je voie deux options principales : Soit ils n’ont pas eu de bourse de thèse (surtout qu‘il y en a très peu d‘attribuées) et ne veulent pas se déplacer géographiquement pour tenter d’en trouver une. Soit ils se sont rendus compte de la réalité de la thèse et donc s’arrête par « dégoût ». Il y a sûrement d’autres exemples, mais ce sont les deux qui me sont venus en tête.
Pour ce qui est d’après la thèse, je ne pourrait vraiment dire, sûrement aussi le « manque » de mobilité qui limite énormément la possibilité de trouver un post-doc dans le domaine.
Ca reviendrait à dire « si après t’es encore motivé par la recherche et que tu veux continuer dans ton domaine : apprend l’anglais et soit mobile sinon tant pis pour toi ».
Encore une fois, il y a un manque d’information et un manque de reconnaissance (peu d’allocation de recherche). Enfin, je tourne encore le monde de la recherche comme le « coté obscur » notamment quand je parle de « dégoût » de certain pour la thèse. Mais il est évident qu’il y a beaucoup d’avantage à faire de la recherche, que je ne cite pas car finalement ce n’est pas le sujet du débat.
Enfin on en vient au problème des chercheurs qui partent à l’étranger pour trouver des post-doc/avoir plus de considération etc, mais ça c’est un autre débat.