Philippe Berthier en collaboration
Les Allemands exercent une pression considérable sur les instances de l’UE dans quatre domaines : Renforcer considérablement les interconnexions électriques, créer un marché de capacités, s’opposer à toute remise en cause du marché des permis d’émissions de GES et créer une filière hydrogène.
A Bruxelles, les autres pays font preuve d’une incompétence rare et d’une naïveté telle que personne ne s’y oppose. Surtout pas les Français accusés de « nucléocrates » et de ne pas ouvrir leur marché à la concurrence.
Renforcer considérablement les interconnexions électriques.
Lorsque l’on a des productions aléatoires, il convient de disposer de possibilités de stockage et d’outils de production capables de s’adapter rapidement. La production d’énergie aléatoire en Allemagne dépasse aujourd’hui largement ses capacités de stockage dans les STEP.
Par ailleurs, les centrales à cycle combiné au gaz sont utilisées de l’ordre de 1 000 h/an, c’est-à-dire un taux d’utilisation 4 fois inférieur à celui qui les rentabiliserait. De plus le gaz est devenu un combustible plus onéreux que le charbon dont les prix internationaux ont baissé significativement avec l’arrivée des gaz de schistes aux USA. Les électriciens allemands construisent des centrales à charbon pour faire face à la fois à l’arrêt du nucléaire et à l’obsolescence de leur parc thermique classique. Ils désarment donc leur CCG (comme en France et en Espagne) et privent le réseau allemand de capacités de réaction rapides.
Toujours à cause de la production aléatoire de ses énergies aléatoires, l’Allemagne, est confrontée à un grave problème de stabilité de ses réseaux. Elle « pollue » gravement les réseaux voisins notamment la Pologne et la Tchéquie. Pour garantir la sûreté de son système électrique mis en péril par les flux d’électricité qui vont et viennent à ses frontières, la Pologne installe des impédances à variations rapides (transformateurs- déphaseurs). C’est-à-dire qu’elle réduit considérablement ses capacités d’échanges avec son voisin « perturbateur », niant ainsi le rôle fondamental des interconnexions dans la sûreté du système électrique européen. La Tchéquie, après de nombreuses protestations, pense se résoudre à faire de même.
D’où l’idée de demander à l’UE d’imposer un renforcement rapide de toutes les interconnexions des pays de l’UE afin de résoudre le problème qu’ils se sont eux même crée. Dans ces conditions, les excédents seraient évacués en temps réel à un prix très bas voire négatif comme on peut le voir aujourd’hui.
Mais cette idée représente un intérêt considérable pour eux puisqu’ils s’exonéreraient ainsi de la réalisation de moyens de stockage et bénéficieraient plus de la stabilité du réseau « infini » de l’UE.
En revanche, les autres pays devraient consentir les investissements de renforcements de réseaux et verraient surtout leur marché de l’électricité complétement déstabilisé par les prix artificiels de l’électricité « dite à coût nul ». Mais, en France, on assiste à une connivence troublante de RTE !
Créer un marché de capacités.
Partout dans les pays de l’UE, les GRT se trouvent de plus en plus dans une situation inconfortable en raison de l’arrêt pour non-rentabilité des moyens de semi-base et l’absence totale dans les investissements pour la pointe.
Ils poussent donc leurs gouvernements respectifs à créer un marché dit de capacités qui consisterait à rémunérer de la puissance à l’arrêt mais rapidement disponible. C’est un élément de confort des GRT qui serait bien entendu à la charge du consommateur final. Ils sont donc tous solidaires à Bruxelles pour demander à l’UE une directive sur le sujet.
S’opposer à toute remise en cause de la Directive sur les permis d’émissions de GES.
Actuellement cette directive aboutit au coût dérisoire de 3 € la tonne de CO2. Comme ils savent parfaitement qu’ils ne peuvent pas réduire leurs émissions, il est clair qu’une augmentation vers 100 €/t (taxe carbone en Suède) serait un coup très dur à leur économie. Ce coût renchérirait le MWh charbon de 90 € et le MWh gaz de 40 €.
On comprend dès lors qu’ils s’y opposent de façon astucieuse puis qu’ils prétendent que les rejets vont baisser ce qui est archifaux. Mais, dans ce cas, ils ont des alliés objectifs dans tous les pays de l’UE sauf en France. Mais qui est capable de faire entendre la voix de la France à Bruxelles.
Créer un marché européen de l’hydrogène.
C’est le 2ème « fer au feu » pour résoudre le problème de stockage de l’électricité aléatoire . Pour y parvenir, ils exercent un lobbying très sexy : l’hydrogène est une énergie propre puisque son oxydation produit de l’eau. De plus on sait très bien le produire par électrolyse et depuis longtemps. Alors le modernisme doit passer : les véhicules à hydrogène sont les véhicules de demain.
Et, là encore, personne ne vient leur faire observer que l’hydrogène se trouve sous forme de di-oxyde, lequel va demander de l’énergie pour être dissocié avant de restituer de l’énergie par oxydation. Au mieux, le bilan global est de 20 % !
Investir massivement dans des éoliennes, puis dans des électrolyseurs dimensionnés pour la pointe de puissance, puis dans des compresseurs pour stocker de l’hydrogène, puis dans un réseau pour distribuer un gaz dangereux et enfin dans une filière de véhicules est proprement aberrant.
http://www.metamag.fr/metamag-1508-L%E2%80%99ENERGIE-DE-DEMAIN-EN-EUROPE...