Le Kosovo face à un recensement entaché de tensions : une démographie en déclin et une population divisée

Le Kosovo, treize ans après son dernier recensement, a lancé une nouvelle consultation démographique le 5 avril, qui se poursuit jusqu'au 17 mai.

Recensement au Kosovo : une tentative de connaissance dans une atmosphère tendue #

Cette démarche, loin d’être anodine, a ravivé les tensions ethniques latentes entre les Kosovars serbes et albanais, un conflit qui perdure depuis l’indépendance du pays en 1991. Sans surprise, le Srpska Lista, premier parti de la minorité serbe, a appelé au boycott de ce recensement, ajoutant à l’incertitude ambiante. De plus, les autorités sont préoccupées par un possible déclin démographique.

Le dernier recensement, qui remonte à 2011, avait déjà été boycotté par la minorité serbe. À l’époque, le pays affichait une population de 1,8 million d’habitants. Cependant, ce petit état de 10 887 kilomètres carrés est depuis frappé par un exode massif de sa population vers des pays comme l’Allemagne ou l’Autriche. Cette fuite des cerveaux et des travailleurs a créé une pénurie de main-d’œuvre et a accru la crainte d’une chute démographique.

La démographie au Kosovo : un enjeu politique et social #

Le Kosovo se vide peu à peu de ses habitants, selon Jean-Arnault Dérens, auteur de l’ouvrage « Les Balkans en 100 questions : Carrefour sous influences » et rédacteur en chef du Courrier des Balkans. Il estime la population actuelle à moins de 1,5 million d’habitants, soit une baisse de 12% en un peu plus de dix ans. Cette diminution a des conséquences politiques, notamment sur la répartition de la population entre la minorité serbe et la majorité albanaise, potentiellement source de conflit entre Belgrade et Pristina.

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Le déclin démographique pourrait modifier le poids des communautés dans la population totale. Alexis Troude, directeur du Département d’études balkaniques de l’Académie internationale de géopolitique, souligne que « si la minorité serbe compte encore environ 100 000 personnes, et que la population globale a diminué, les Serbes représenteront une plus grande part ». Cette situation pourrait être utilisée par Belgrade pour revendiquer sa souveraineté sur le territoire, malgré l’obligation théorique pour la population serbe du Kosovo de se plier à la politique de l’exécutif albanais.

Le recensement : révélateur des tensions entre Kosovars serbes et albanais #

Les relations entre le gouvernement de Pristina et les Serbes du Kosovo sont particulièrement tendues, notamment depuis l’interdiction par le premier ministre kosovar, Albin Kurti, de toute autre devise que l’euro dans le pays. Cette mesure a exclu le dinar serbe et a immédiatement suscité la colère de Belgrade, qui continue de financer un système parallèle de santé, d’éducation et de sécurité sociale pour les Serbes de la région.

Le recensement arrive donc dans un climat ultrasensible, qui pourrait freiner les accords de Bruxelles de 2013, premier pas vers la normalisation des relations entre Belgrade et Pristina. Ces accords visaient notamment à garantir la sécurité et l’autonomie à la communauté serbe du Kosovo, y compris dans le domaine socio-économique.

En dépit de ces défis, le Kosovo doit affronter quelques réalités incontournables :

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  • La nécessité d’un recensement pour une meilleure planification des politiques publiques
  • Le besoin de réduire les tensions internes pour assurer la stabilité du pays
  • La volonté d’endiguer l’exode de sa population pour éviter une chute démographique

Face à ces défis, le Kosovo se trouve à un carrefour crucial. Le recensement actuel, malgré les tensions qu’il suscite, est une étape nécessaire pour mieux comprendre la réalité démographique du pays et envisager son avenir.

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